Réalisé par Piero Messina. France/Italie. Drame. 1h40 (Sortie le 16 décembre 2015). Avec Juliette Binoche, Lou de Laâge, Giorgio Colangeli, Domenico Diele, Antonio Folletto et Corinna Locastro.
"L'Attente" de Piero Messina a tout pour faire peur : une Sicile ancestrale avec grande propriété, grande famille et grande domesticité, évidemment tout de noir vêtu et en plein malheur ; une comédienne marmoréenne genre statue du commandeur ayant incarné "Antigone" et joué dans des films de Michael Haneke et Abbas Kiarostami ; un sujet lourd comme la mort d'un jeune homme beau, riche et intelligent.
Bref, si l'on rajoute ce titre pas très vendeur, "L'Attente" n'a rien d'engageant pour un spectateur pas viscéralement attiré par le côté obscur des choses.
Pourtant, s'il est difficile de faire croire que, derrière son beau classicisme qui se défie fièrement de tout académisme, le film de Piero Messina est une comédie, il faut en vanter l'esprit.
Car, partant d'une situation de mélo (une mère a perdu son fils et n'ose le dire à la petite amie de celui-ci), on va peu à peu, par itérations successives, par infimes sauts de puces, vers la lumière qui rend possible l'oubli des peines infinies. Le plus grand paradoxe de ce film très italien, très chrétien aussi, c'est qu'il s'appuie sur deux comédiennes françaises le soin de transformer un malheur partagé en leçon de vie.
"L'Attente" de Piero Massina est en effet un face à face d'actrices comme on en a peu vu. Jamais dans la posture ni dans le numéro, Juliette Binoche et Lou de Laâge ne s'épient pas, ne cherchent qu'à se compléter, qu'à se correspondre pour rendre vrai ce moment où leur complicité naît et atténue, voire guérit de la perte de l'être très cher.
Ce qui est beau, ici, c'est qu'on n'est jamais dans l'échange entre une actrice accomplie et une actrice prometteuse en devenir, mais dans une communion commune dans le plaisir de jouer, et chose presque contradictoire, dans le plaisir de jouer le malheur.
"L'Attente" de Piero Massina régénère Juliette Binoche et lui permet d'entrevoir de nouveaux rôles, ceux de sa maturité. Quant à Lou de Laâge, elle retrouve ce chemin emprunté avec "Nino" de Thomas Bardinet qui semblait la conduire vers autre chose que les personnages féminins habituels du cinéma français.
Ainsi le ciel noir de Sicile vaut lumière dans ce film qui pourrait donner corps à de belles versions théâtrales.
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