Film
de Denys Arcand avec Rémy Girard, Stéphane Rousseau, Marie Josée
Croze , Marina Hands, Dorothée Berryman et Johanne Marie Tremblay
"Les invasions barbares" est l’exemple parfait qui montre
que tous les films primés au Festival de Cannes ne sont pas dignes
d’être relégués directement dans un placard fermé
à clé, dans votre maison de campagne au fin fond de la Corrèze.
Le film de Denys Arcand est la suite du "Déclin de l’empire
américain", dix-sept ans après. Ce premier film, énorme
succès mondial, racontait l’histoire de quatre couples qui discutent
sans tabou de la vie, de l’amour et de sexe, avec un irrésistible
sens de la répartie.
"Les invasions barbares" reprend les mêmes personnages,
qui se retrouvent autour d’un des leurs, mourrant. Vient alors le temps
des retrouvailles et des souvenirs.
Le long-métrage du réalisateur québécois aurait
pu sombrer dans la larme facile et le tragique terrible et terrifiant qui
fait pleurer les ménagères de moins et de plus de 50 ans, mais
tel n’est pas le cas.
Sans jamais perdre de vue l’aspect dramatique et émouvant de
cet ultime rassemblement, et la fin inéluctable qui guette l’un
d’eux,"Les invasions barbares" insuffle une véritable
bouffée de joie de vivre, de bonheur, de vitalité et de dynamisme.
Les personnages font preuve d’un cynisme hilarant, et les dialogues
représentent les joyaux de ce film.
Sans jamais tomber dans la vulgarité, les acteurs se remémorent,
parfois crûment, sans aucune gêne ni aucun tabou, leurs aventures
amoureuses voire plus spécifiquement sexuelles passées, avec
la petite particularité suivante : leurs anciens partenaires sont les
maris et femmes de leurs amis, ici présents- en bref de l’échangisme
secret et caché-, ce qui rend ces aventures relativement décadentes.
Mais le spectateur qui aura au préalable visualisé "Le
déclin de l’empire américain" ne sera guère
choqué par cette dégradation des mœurs. (Mais où
va le Québec ?).
Tout en nous faisant rire, le film aborde aussi des sujets profonds, tels
que le rapport à la maladie et à la mort, les relations souvent
conflictuelles, difficiles et peu communicantes entre les générations,
les notions de fidélité (le film n’en fait guère
l’apologie, catholiques traditionalistes s’abstenir) et d’amitié
(Question : peut-on considérer comme de l’amitié le fait
de copuler avec le mari de sa meilleure amie ? Non ? Bon).
Mais l’heure n’est pas aux règlements de compte : le groupe
se soudera à nouveau autour d’un homme, qui, malgré son
état de santé, fera, jusqu’au bout, preuve de l’humour
le plus caustique, et qui ne bouleversera jamais son credo, "carpe diem
!" (A bas la bienséance, vive le pain, le vin, les femmes et le
boursin !).
"Les invasions barbares" ne cherche pas à faire la morale
: les adultes infidèles du "Déclin de l’Empire américain"
ne regrettent rien, et l’heure n’est pas à la repentance…
Les années ont de plus beau passer, les générations se
suivent, et le déclin de l’empire américain continue…
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