C’est maintenant devenu une habitude pour les éditions Sonatine que de ne nous proposer entre leurs excellents thrillers, des romans de grande qualité. Après leur excellent récit proposé en début d’année, L’empreinte, le moi de mai est l’occasion pour Sonatine de nous proposer son premier roman de l’année, Carnets clandestins, de Nicolás Giacobone.

Nicolás Giacobone est argentin, il est connu pour avoir écrit les scénarios des films réalisés par Alejandro Gonzalez Inarritu : Birdman, pour lequel il a reçu un oscar et Biutiful, un superbe film. Carnets clandestins est son premier roman. Alejandro G. Inarritu présidera cette année le Festival de Cannes.

C’est évidemment dans l’univers du cinéma que se déroule l’histoire de ce roman argentin. Santiago Salvatierra, le personnage principal du livre est le plus grand réalisateur d’Amérique Latine. Il a kidnappé son scénariste, Pablo Betances, qu’il tient emprisonné dans la cave de sa maison. Dans cette pièce, ne contenant qu’un matelas, un ordinateur portable, la compilation intégrale des Beatles, un ukulélé, les œuvres complètes de Borgès et un cahier clandestin, Pablo consigne chaque jour son quotidien. Il est là depuis cinq ans, il a déjà écrit deux scénarios qui se sont transformés en deux films avec lesquels Salvatierra a remporté tous les honneurs possibles.

Il doit maintenant faire face à un défi homérique, celui d’écrire le scénario du film qui changera l’histoire du cinéma. Il ne sera relâché que lorsqu’il aura produit ce scénario. Les rapports entre les deux hommes sont houleux mais le scénario avance. Jusqu’au jour où Pablo ne peut plus écrire un seul mot.

On suit au fil des pages de cet ouvrage relativement court, qui se lit très rapidement, les séances de travail de celui qui doit absolument produire un scénario pour l’autre mais aussi son attrait pour certains auteurs et musiciens. Avant de se retrouver au fond d’une cave, otage d’un machiavélique réalisateur, celui-ci était un modeste écrivain vivant avec sa mère.

Malheureusement, l’inspiration ne tombe pas du ciel et la pression mise par le réalisateur sur le scénariste à l’effet inversé puisqu’il le bloque dans sa création. Tout est prêt pour le film ! Les grands acteurs et les grandes actrices ont donné leur accord, le Festival de Cannes est prêt à le prendre dans sa sélection et pourtant rien n’avance.

L’ouvrage s’avère être une satire brillante du milieu du cinéma et du monde moderne. Il rappelle l’importance d’un scénario pour construire un bon film et la difficulté du métier de scénariste. Le fait que l’auteur soit lui-même scénariste nous permet de profiter d’un ensemble très documenté et précis.

En lisant cet ouvrage, on comprend que le processus de création artistique n’est pas simple, qu’il peut être une torture encore plus compliquée que la séquestration que peut subir le personnage dans l’ouvrage.

Carnets clandestins est donc un ouvrage original, d’un auteur qui possède de réelles qualités littéraires et une imagination débordante pour nous offrir une analyse du processus créatif particulièrement pertinente.