Dans un petit café
de Belleville, près du Théâtre de la Providence
où les Colocs jouent Coming out, nous retrouvons toute l'équipe
: le trio de choc composé de Jean Hérédia,
Robert Punzano et Jean-Philippe
Lagarde, le co-auteur et metteur en scène Patrick
Hernandez ainsi que Sophie Bedian
leur attachée de presse.
Natures, spontanés et sympathiques, ils nous racontent avec
enthousiasme leur attachement au café-théâtre
et misent beaucoup sur ce spectacle pour toucher un plus large public.
Quels sont vos antécédents vous qui
venez tous les trois de la province?
Jean dit Jano : J'ai commencé dans le Sud avec
un trio qui s'appelait Les sales gueules. Le troisième est
parti et nous avons décidé avec Robert de tenter l'aventure
à Paris. Nous avons passé des auditions et nous avons
fait le tour des cafés-théâtres…
Robert dit Robert : …tous les cafés théâtres
…
Jano : … et nous avons atterri au Trévise
au FIEALD, scène ouverte et nous avons été
pris dans l'équipe d'animation. Nous y sommes restés
presque 4 ans. Nous avons rencontré Paul et de là
est né un spectacle Les colocs avec le best of de ce que
nous avions fait pendant ces années. Nous faisons maintenant
notre deuxième spectacle qui s'appelle Coming out.
Donc vous avez fait vos classes au FIEALD?
Jano : Oui. Je peux même dire que j'ai appris
à jouer au FIEALD car tous les dimanches il fallait apporter
des sketches nouveaux. Car l'équipe d'animation ne se contentait
pas de présenter. Nous avons appris à jouer et à
écrire à toute vitesse.
Cet échéance du dimanche constituait
une bonne pression?
Jano : C'est une très bonne école.
Robert ?
Robert : Mon parcours est identique sauf qu'arrivé
à Paris, parallèlement j'ai aussi fait du classique.
J'ai suivi un cours libre au Conservatoire pour voir autre chose
que le comique. J'ai joué pas mal de classique pendant trois
ans. En 2001, on a créé le premier spectacle Les colocs.
Ensuite nous avons rencontré Patrick Hernandez, qui nous
connaissait du Trévise et appréciait ce que l'on faisait,
et nous lui avons demandé de nous rejoindre pour l'écriture
et la mise en scène de notre deuxième spectacle.
Le registre comique c'est un choix?
Robert : Avec Jano on se connaît depuis très
longtemps, depuis 1989 en seconde au lycée et nous faisions
les cons ensemble, c'était naturel. Au début quand
je l’ai vu, je me suis dit : C’est qui ce clown qui
me fait concurrence ?. Du coup, on a fait connaissance et on a créé
notre premier duo qui, avant Vice et Versa, s’appelait Les
traîtres. Peu de gens le savent mais ce n’était
pas officiel c’était un duo qui officiait en fin d’année
dans les classes. On faisait de petits sketches et parfois des improvisations
et des imitations. On s’est rendu compte qu’on avait
la fibre comique. Tout s’est enchaîné ensuite.
Il y a eu les Sales gueules, Vice versa, les JeanPaulRobert, les
Monocles, projet parallèle pour jouer le Bobo gentilhomme.
Une formation par projet ?
Robert : Non, en fait cela suivait le style ; les
Sales gueules c’était un peu brouillon plutôt
axé sur l’impro. Les JeanPaulRobert c’était
plus carré mais plutôt gros gags, disons cul entre
parenthèses, car c’était l’histoire de
trois mecs célibataires. Le premier spectacle "Les colocs"
s’adressait à un public jeune entre 15 et 25 ans. On
plaisait bien aux minettes…(rires). On était un peu
les Two be three. Mais maintenant c’est fini…
Jano : …on est des vieux maintenant…
Robert : Pour s’amuser on a monté Les
monocles et fait un petit délire en prenant une pièce
de Molière pour la détourner un peu dans l’esprit
de "Cyrano 2". C’est pas nouveau, c’est pas
génial mais nous on s’est éclaté quelques
mois.
Et le troisième larron ?
Jean-Philippe Lagarde dit Jeanfil (héhé
!) : Le troisième était également au lycée
en province mais pas avec eux. Je le regrette d’ailleurs car
cela m’aurait permis de progresser plus vite. Je suis arrivé
à Paris dans les années 80 à la recherche de
pas mal de choses et surtout de faire du spectacle sans savoir vraiment
dans quelle discipline. J’ai fait l’école Alice
Dona, j’ai chanté et je lui ai cassé les oreilles
pendant un an. Après elle m’a conseillé de faire
un peu d’écriture et j’ai donc découvert
cet aspect du métier avec Claude Lemesle. Mais cela ne me
convenait pas vraiment. Donc il y a une dizaine d’années
je me suis orienté vers le café-théâtre
et j’ai intégré une troupe qui s’appelle
La meute avec laquelle j’ai joué "La meute dans
ZU" 6 mois au Café de la Gare et nous venons d’achever
6 mois de représentations à la Main d’or. J’ai
passé des auditions pour les Colocs et nous avons sympathisé
d’où ma présence dans ce spectacle.
Passons le micro à votre metteur en scène
et co-auteur pour connaître la manière dont vous avez
travaillé…
Patrick Hernandez dit Patrick : Au départ,
ils sont arrivés avec un projet qui comportait une ligne
directrice et un thème arrêté, le troisième
comédien étant d’ailleurs déjà
pressenti et certaines scènes étaient déjà
écrites. Donc mon travail a plutôt consisté
à structurer l’ensemble et à apporter d’autres
éléments …
Robert : …je rebondis…surtout des quiproquos,
car Patrick est le roi des quiproquos par rapport à nous
qui faisons dans le style gros gag, un peu lourdaud. Lui il fait
dans la finesse, dans les rebondissements.
Patrick : Je joue plus sur le comique de situation
qui s’inscrit dans le registre de ce que l’on peut voir
dans le théâtre comique. Je dirais pas le théâtre
de boulevard, mais quand même. Tout en préservant,
ce qui était primordial, l’esprit et la spécificité
des Colocs qui existaient dans le premier spectacle mais qu’ils
ont depuis l’origine : de l’humour reposant sur l’absurde
qui joue aussi la provocation tout en étant sur le fil du
rasoir de manière à éviter de basculer du mauvais
côté. Bien sûr, l’absurde n’est pas
nouveau, d’autres en font, mais leur particularité
est d’y adjoindre la provocation. A certains moments, on retrouve
une certaine idéologie. Beaucoup de comiques se contentent
du comique ou de l’absurde.
Salve d’applaudissements de la part de la troupe !
Patrick : Petit détail par rapport à
la structure : avant j’ai travaillé pour Caméra
café pour la 6 et même si j’avais fait d’autres
choses avant, ce travail m’a beaucoup apporté au niveau
de l’écriture.
Et le théâtre de la Providence ?
Jano : Ça a été une providence
héhé !
Robert : Il s’agit d’une grosse coïncidence.
Nous avions fait tous les cafés-théâtre avec
notre spectacle de duo Vice et Versa, qui marchait bien auprès
du public, et tous nous répondaient : C’est rigolo
mais pas chez nous !
Donc pas de programmation car votre spectacle ne
correspondait pas à l’esprit de la maison ?
Robert : Oui, c’est tout à fait cela.
Nous étions un peu désespérés entre
guillemets et nous avons eu la chance de rencontrer un ancien du
FIEALD et Martin Maguglio a trouvé la Providence pour les
Monocles. On a fait connaissance du directeur de théâtre
et nous lui avons proposé les Colocs. Il nous connaissait
un peu du Trévise et nous avions été programmés
sur TF1, Comédie, M 6. Nous avions donc un petit nom dans
le milieu underground du café-théâtre et il
a accepté Les colocs. C’est un des spectacles qui a
le mieux marché en faisant complet tous les soirs pendant
une année. On espère que Coming out constituera un
tremplin pour nous. Nous espérons améliorer le spectacle
pou ravoir en juillet un spectacle carré, de bonne qualité
que nous pourrions proposer à une salle plus grande et plus
connue.
Comment est perçu le spectacle qui en est
à ses tous débuts ?
Robert : Sophie Bedian notre attachée de presse
a fait un petit micro trottoir à la sortie du spectacle et
les réactions sont positives. Pour le moment, nous n’avons
pas encore eu de retour de la part des professionnels.
Jeanfil : Le bouche à oreille fonctionne bien
! Pour le moment nous jouons complet. Et nous comptons sur le bouche
à oreille..
Jano : ..oui le bouche à bouche
La pièce est programmée jusqu'à
quelle date ?
Robert : Deux représentations par semaine jusqu’à
fin juillet.
Et après ?
Robert : Là nous sommes en co-production avec
le théâtre. Si cela marche, nous pourrions jouer tous
les soirs. Mais notre envie commune est d’affronter une plus
grande salle.
Avez-vous d’autres activités ou spectacles
à côté de Coming out ?
Jeanfil : Tout est une question de choix. Pour ma
part, j’ai un travail salarié à côté.
Les gens avec qui je bosse connaissent mes activités théâtrales
et je prends mes dispositions pour assurer les représentations.
Robert : A mon arrivée à Paris, j’ai
travaillé comme surveillant de lycée. Grâce
aux Colocs N°1, on arrivait à joindre les deux bouts
avec quelques petits boulots. Mais pour le moment, nous n’arrivons
pas à vivre à 100% du théâtre.
Avez-vous d’autres projets en cours d’écriture
voire même des projets en tant que comédiens dans d’autres
spectacles que ceux que vous écrivez ?
Robert : Grâce au FIEALD, notre esprit est bien
rôdé pour les conneries…pardon pour les sketches.
Donc dès qu’on a écrit un spectacle , on pense
déjà à 2 ou 3 spectacles que l’on pourrait
faire. Patrick c’est pareil mais lui c’est 10 ou 15.Sur
2à projets, 19 seront rayés de la liste mais un émergera.
Vous écrivez comment ? Chacun de votre côté,
Jeanfil : Moi je n’écris pas. J’ai
parfois de petites idées de temps en temps pour rebondir
mais pour le moment je ne me définis pas comme un auteur.
J’aimerais et j’espère y parvenir mais c’est
un dur travail.
Robert : Jano et moi nous écrivons beaucoup
ensemble mais il y a des blocs que l’on écrit seul.
Jano s’écrit ses partitions propres à son humour
, moi aussi. Parfois c’est Patrick. Et parfois c’est
le mélange.
Dans ce spectacle vos personnages sont des archétypes
très bien définis…
Robert : …non, non, c’est nous (rires)
Ecrivez-vous chacun votre rôle ?
Jano : Un peu mais nous nous connaissons bien donc
nous disons parfois : Tiens je te verrais bien dire ça !
Et parfois, l’inverse. Robert écrit quelque chose pour
moi et moi je le sens pas bien dans ma bouche.
Robert : Patrick a très vite su qui nous étions
et comment nous jouions et il écrit sur mesure pour chacun
de nous. Après, nous on le met un peu en bouche.
Etes-vous encore au FIEALD ?
Robert : Non, nous avons arrêté dès
les Colocs n°1. Pour nous consacrer à notre spectacle.
Et puis, le public n’aurait pas compris.
Jano : Et puis ça demandait beaucoup d’énergie.
Nous manquions de temps.
Les personnages des Colocs vont-ils être récurrents
?
Robert : On espère que non. Pour le moment,
Coming out est la suite logique des Colocs n°1. Mais nous espérons
que cela sera un pied à l’étrier. On va pas
arriver à 90 ans avec les Colocs ! Ou pour les décliner
à toutes les sauces comme les Colocs font de la résistance…/.
Jano : Mais pour le moment nous n’avons pas
suffisamment joué ce spectacle pour en avoir marre !
Robert : Pour nous c’est une grosse amusade.
Quand ça s’arrêtera on le regrettera. De toute
façon seuls ceux qui ont vu les Colocs 1 nous connaissent.
Pour les autres il s’agit d’un spectacle. Et nous ne
parlons pas trop du premier.
Jano : Pour le moment, notre public est nouveau.
Patrick : Dès les premières dates, le
spectacle affichait complet donc je pense que le premier spectacle
a quand même eu un impact.
Jano : Pour le moment aucun des spectateurs avec qui
nous avons discuté ne nous a parlé du premier spectacle.
Comment avez-vous fait la promotion du spectacle
?
Sophie Bedian dite Sophie : Il y a une grosse promo
notamment sur les référencements de sites étudiants,
gay, en ciblant sur la colocation et Sébastien du théâtre
de la Providence a également fait une promo : affichage,
tractage, sorties de théâtre…Nous avons démarché
les sites de vente de billets sur Internet.
Robert : Le sujet est attractif aussi…
Jano : …le double sujet…
Robert : …oui , il y a le sujet rigolo de la
coloc et le sujet du coming out. C’est quand même la
première pièce non pas à traiter ce sujet mais
du moins à le traiter si ouvertement. Ainsi la pose de Jean
Philippe sur l’affiche est sans équivoque…
Jeanfil : On a exagéré à outrance
la posture bien évidemment car il fallait que ce soit très
caricatural.
Jano : Et puis à Paris le sujet et les problèmes
de la colocation sont bien connus.
Robert : Et l’émission de M 6 sur les
colocataires avec un générique assez rock….
Jeanfil : …et les couleurs aussi…
Robert : …ressemble à ce que l’on
fait…surtout que nous étions passés sur cette
chaîne il y a 2 ans. Cela étant c’est de la télé-réalité
alors que nous c’est du théâtre et c’est
beaucoup mieux !
Jano : Il y a un homo aussi !
Robert : Ce sont des grosses coïncidences…sourire…le
futur parlera !
Qu’écrivez-vous en ce moment ?
Robert : Nous n’écrivons pas vraiment
des textes. Nous observons et nous avons des idées. Ce sont
plutôt des situations que l’on note. C’est un
stock d’idées et on puise dedans après.
Jano : Nous avons des idées de courts métrages
que l‘on garde car pour le moment nous manquons un peu de
temps.
Et il faut garder la main…
Robert…Oui
Jano : Et on s’amuse autant en écrivant
qu’en jouant.
Ce n’est donc pas une écriture linéaire
mais plutôt de la mosaïque avec des petits morceaux d'idées
ou de situations…
Robert : Oui. Cela s’est passé ainsi
pour ce spectacle. Et il en a été souvent ainsi. Et
toi Patrick ?
Patrick : Moi je me suis adapté comme souvent
quand j’ai travaillé avec d’autres personnes.
Il y avait un petit aspect commande mais aussi une grande et ancienne
volonté de travailler ensemble. Là c’était
l’opportunité.
Vous avez une autre actualité que ce spectacle
?
Patrick : J’ai encore des sketches qui passent
sur M 6 dans Caméra café. Et comme souvent dans la
profession, j’ai plusieurs projets dont il est encore trop
tôt pour en parler.
Et pour vous Jean Philippe ?
Jeanfil : Normalement avec la Meute nous devions jouer
jusqu’à fin juin mais Dieudonné a repris possession
de son théâtre. Le spectacle s’est arrêté
et normalement nous reprendrons en septembre mais il s’agira
d’un nouveau spectacle. Et je vais
sans doute participer à l’écriture. Mais mon
grand rêve serait d’avoir un lieu où j’accueillerais
les gens dans le cadre de l’évènementiel.
J’ai lu dans une de vos interviews : Je voudrais
devenir une espèce de Régine du café-théâtre.
(rires)
Jeanfil : Mais tout à fait. Et à chaque
fois que je le dis ça fait rire.
Robert : c’est énorme !
Jeanfil : Ben oui c’est énorme, mais
j’aurais grossi d’ici la (rires).En fait ce que je veux,
comme disais Robert tout à l’heure c’est un endroit
pour faire jouer des gens dont personne ne veut parce qu’ils
viennent d’ailleurs et qu’ils ne sont pas connus. Alors
moi j’irais voir ce qui se fait et les gens pas connus et
ben je les prends, c’est un laboratoire effectivement. Et
ce sera du café théâtre, des éléments
un peu underground, des films qui ne passent pas ailleurs .. un
lieu dans lequel on sait qu’on va s’amuser, où
il se passera des choses inédites. Voilà ce que je
voudrais faire, tout en participant moi-même en tant qu’acteurs
dans certains projets parce que j’aime ça !
J’aimerais qu’il se passe beaucoup de
choses dans ce lieu, principalement de la création et de
la mise en bouche pour des gens qui ensuite iront voir des choses
médiatisées mais qui existerons déjà
underground.
Tu as dis que ce serait Un " Gay Café-théâtre
Club " ?
JeanFil : Oui c’est ça car tu sais dans
le milieu gay il y a pas mal d’endroits avec un club au sous
sol des trucs comme ça mais pour moi c’est brouillon,
il faudrait que dans un même endroit. C’est à
dire un endroit ou si tu as envie d’aller boire un coup ou
aller voir un truc nouveau au sous sol tu peux le faire. Et que
tu puisses sortir de là en ayant découvert quelque
chose…
C’est ambitieux…
JeanFil : Oui mais tu sais, je suis au début
d’un truc mais j’espère qu’en acquérant
un peu d’expérience et en ayant de plus en plus de
relations arriver à réaliser ce projet…
Robert : Y’a du boulot….
Le plus dur étant peut être de trouver
un lieu, d’ailleurs La Providence, c’était quoi
avant ?
Jano : Une boulangerie, d’ailleurs là
où on joue c’était l’ancien four
JeanFil : Mais nous on ne prend pas un four par contre …
Robert : … Sinon on serait grillés …
JeanFil : …mais bon on a encore du pain sur la planche…
JeanFil : … alors la suite … Patrick aide nous on est
dans le pétrin !
(fou rire général et salves d’applaudissements).
Parlons des personnages, dites nous à tour
de rôle ce que vous avez envie de dire de votre personnage.
Robert : Robert c’est un beauf qui paraît
a priori violent, méchant, il a pas mal de cotés négatifs
…MAIS qui en fin de compte n’est pas si négatif
que cela. Par exemple on a l’impression qu’il est complètement
homophobe au début (enfin je sais pas si de l’extérieur
on le voit bien) mais on se rend compte finalement qu’il est
pas si homophobe que cela. D’ailleurs il le dit, pour lui
"pédé" ou "sale pédé"
pour lui c’est plus une expression, parce que depuis qu'il
est petit il a toujours parlé comme ça. Et c'est un
peu du vécu parce que chez nous dans le sud, quand on se
dit "pédé" entre nous on le disait sans
même savoir ce que cela voulait dire. Moi a Jano je lui disais
"Salut pédé ça va ?" et c'était
vrai, pour moi ça voulait dire "Alors mec ça
va mec ?" ou alors "File moi 5 francs, fait pas le pédé"
c'est juste une expression…
Jano : C'est comme quand on dit "Ça va
mon vieux" et ben le mec a qui tu parles il est pas forcément
vieux.
Robert : Voilà, donc le personnage il est pas
foncièrement méchant, il a juste été
habitué comme ça et le but c'est quand même
qu'il est une certaine évolution. A la fin du spectacle,
on se rend compte qu'il accepte bien le fait que Jeanfil soit pédé.
Il est beauf, il paraît violent et méchant mais il
ne l'est pas en réalité. C'est simplement une grande
gueule. Mais comme on dit dans le Sud : "Grande gueule, petit
cul, quand tu pètes, on ne te voit plus !". (rire général).
Jano : C'est un personnage de benêt, un peu
lunaire, qui a parfois des éclairs de clairvoyance. Il s'écrase
devant Robert mais parfois ils e rebelle un peu à la manière
de Laurel. Gentil mais sortant parfois une méchanceté
gratuite. Dans le premier spectacle, c'était de rebeu de
service et il ne comprenait vraiment rien. On trouvait que ça
ressemblait à du Djamel ou à du Gad El Maleh. Moi
je répondais que j'imitais un de mes voisins ! Et ça
donne : Je suis pané l'an dernier sous la pluie ! . Ce sont
des expressions comme ça.
Robert : Et il faut pas les sortir de leur complexe!
Jano : C'est vraiment du piqué dans la vie!
Donc quand vous écrivez, vous êtes
à l'affût avec toujours une oreille qui traîne
et un œil qui observe.
Jano : Je fais du plagiat des gens que je croise dans
la rue.
Et pour Jean-Philippe?
Jeanfil : Mon personnage est une folle qui s'assume
bien, un peu sans gêne, qui fait irruption dans la vie de
deux personnages sans trop se poser de questions. Les états
d'âme de ses colocs ne le préoccupent pas vraiment.
Il se montre même un peu manipulateur car comme il sent que
Jano est celui qui arrange les histoires, il le prend comme confident.
Donc une folle sans gêne et un peu mytho car il a vite compris
qu'il doit s'inventer des relations dans le showbizz.
C'est un peu un coucou?
Jeanfil : Oui, c'est un peu ça. Un coucou qui
s'introduit dans un couple d'hétéros et profitent
des bonnes aubaines mais toujours dans la sympathie.
Jano : Et comme les deux autres, il y a des situations
où il s'emmêle les pinceaux. Il ne comprend rien.
Jeanfil : Oui, j'ai en commun avec Jano le fait que
je n'ai pas capté la situation réelle et je les prends
pour des homos.Ce qui crée un double quiproquo.
Vous avez parlé de courts-métrages
Il y a des envies de faire du cinéma?
Robert : A la base, c'est le cinéma qui m'attirait.
Nous avons commencé par le théâtre et nous avons
déjà réalisé des courts-métrages
amateurs. Le but reste le cinéma même si le théâtre
est devenu une vraie passion. Nous faisons nos armes.
Jano : Je suis très attiré par le cinéma
qui offre plus de possibilités que le théâtre
et surtout il permet de vraiment peaufiner son travail. Le plaisir
du travail c'est le live. Pour le cinéma c'est différent.
L'intérêt du travail c'est après le tournage.
Jeanfil : Je n'ai pas une grande expérience
mais je me sens plus à l'aise sur une scène, en contact
avec le public qui réagit immédiatement.
Votre spectacle est très cadré ou
vous vous laissez aller à des petits moments d'improvisation?
Robert : Pour le moment nous ne voulons pas déborder
et ce pour plusieurs raisons. D'une part parce que le format d'une
heure est impératif car il y a un autre spectacle après
nous. Et d'autre part, c'est un peu prématuré. On
y pense bien sûr parce que Jano et moi nous nous connaissons
bien mais il faut bien roder le spectacle.
Jeanfil : Oui, pour moi c'est plus sage de procéder
comme ça.
Jano : On est un peu des gamins donc il vaut mieux
pas trop faire d'impro car après on surenchérit l'un
sur l'autre et on peut se laisser déborder.
Les Colocs pourraient remplacer Caméra café.
Robert : Nous avions proposé le concept à
l'époque et ce à toutes les chaînes mais c'est
resté sans réponses. Et les colocataires de M 6, tout
en étant différents, ont tué le projet.
Jano : C'était une bonne idée et le
public aimait ça. Nous voulions faire un "Friends"
à la française et rien ne ressemblait à ce
que nous faisions.
Robert : L'idée a été reprise
depuis. Sur le câble il y a "Mes pires potes" produits
par Nagui. Et sur Canal Plus, dans Groland, il y a une série
sur les colocataires également.
Il est peut être difficile d'être novateur
en ce domaine.
Jeanfil : Ce n'est peut être pas novateur mais
du moins c'est un peu inédit que faire une petite pièce
de théâtre dans un format café-théâtre.
Le café-théâtre a connu ses
heures de gloire. Mais il y eu du pire comme du meilleur ce qui
a entraîné une désaffection
du public.
Jano : Je ne sais pas si c'est le pire ou le meilleur
qui a desservi le café-théâtre. Ce qu'appréciait
au début le public c'était le côté brouillon,
amateur du café-théâtre. Dès que c'est
devenu plus carré cela ressemblait à du mini-théâtre.
Jeanfil : Il faut réconcilier les deux.
Patrick : La désaffection qui a suivi les fameuses
années du Café de la Gare, pour ne pas le citer, est
due à la perte de conscience politique. C'est devenu des
pantalonnades avec de grosses ficelles juste avec l'humour. Par
conscience politique, j'entends simplement le fait d'aborder certains
sujets, de toucher à des thèmes un peu plus ambitieux.
Il faut également une certaine qualité
d'écriture.
Patrick : Oui. Moi ce qui m'a marqué par rapport
aux origines, à Coluche c'est qu'il s'agissait de personnes
très engagées au niveau des idées.
Romain Bouteille s'inscrivait dans une démarche
très contestataire par rapport au théâtre institutionnel.
Mais il faut avoir aussi les moyens de ses ambitions. Il faut être
suivi par le public et pouvoir suivre financièrement.
Patrick : Coluche a prouvé qu'on pouvait le
faire c'est-à-dire de rester engagé en faisant quelque
chose de commercial tout en étant suivi par le public.
Tout le monde ne peut pas être Coluche.
Patrick : Oui mais on peut avoir l'ambition de retrouver
ce fond qui manque chez tous les comiques des années 90 qui
sont de grands noms aujourd'hui et qui ne se sont jamais impliqués
restant toujours dans le domaine commercial. Je pense que ce serait
une bonne chose d'y revenir.
Comment pensez-vous concrétiser cette théorie?
Avoir un lieu à vous?
Patrick : L'idée du lieu est le rêve
de tout comédien. Ce serait l'idéal car avoir un lieu
c'est la liberté et la liberté d'expression.
Y a-t-il un début de concrétisation?
Patrick : Pour le moment, nous ne faisons qu'y penser
car il y a un problème de finances et d'opportunité…
Robert : Il y a un problème de qualité
aussi. 90% des comiques de talent que nous avons connu ne trouvaient
de salles alors que bon nombre de théâtres jouent avec
des salles vides. Maintenant, il suffit d'avoir de l'argent pour
se louer un théâtre même pour y jouer du caca.
Jano : Ça s'est embourgeoisé. Le tremplin
n'existe plus.
Robert : C'est comme dans la co-location.
Jano : Cela étant, il y a des acteurs qui
ont commencé en étant mauvais et qui se sont amélioré
en jouant. Comme Jean Marais. Moi je voulais avoir un lieu comme
le Café de la Gare mais tout le monde m'a dit que j'étais
fou.
Allez-vous au théâtre?
Robert : Nous allons beaucoup au théâtre.
C'est Jean-Philippe qui y va le plus.
Jeanfil : Moi, j'adore. Quand je ne travaille pas
je vais voir plein de choses et de manière très éclectique.
Le dernier spectacle que j'ai vu c'est "Créatures".
Je vais voir des spectacles connus ou pas et je continue d'apprendre.
Tout ce qui se passe sur scène m'intéresse. Même
un ballet. C'est du vivant et il y a toujours un petit quelque chose
à glaner.
Et quels spectacles nous recommanderiez-vous?
Jeanfil : Je recommande "Zapping", un spectacle
où il y a de la danse, du café-théâtre…qui
est génial et interprété par des acteurs qui
sont complets. Et "Créature"s en deuxième…et
puis "Coming out" par politesse en troisième.
Jano : Moi j'aime tous les comiques du moment qui
ont une certaine notoriété. Tous me font rire. Christophe
Guybet, dont je n'ai pas vu le spectacle, me faisait rire au FIEALD.Mais
je suis plus cinéma. Le cinéma français n'est
pas en très bonne forme. La seule chose qui le sauve c'est
le comique.
Robert : Je recommande au public d'aller au Trévise
pour les soirées du dimanche du FIEALD parce qu'on peut y
voir toute une palette de comédiens. Ensuite il y a Guybet,
Mamane à la Bastille dans "One mamane show" qui
est très différent de ce que l'on fait mais qui est
très percutant.
Patrick : Je confirme pour "Créatures"
qui est une pièce qui mérite son succès et
le FIEALD qui est l'équivalent, à la mode du jour
sans le côté gaucho, de ce qu'était le Café
de la Gare. C'est donc un lieu d'expérimentation très
intéressant.
Jano : En plus c'est toujours surprenant car il n'y
a pas d'audition avant. Du coup on en voit des vertes et des pas
mûres. Mais l'équipe d'animation intervient quand il
le faut. Quand c'est trop mauvais, on les sort de scène.
Sophie : Je voudrais recommander le spectacle de Emmanuel
Vacca qui est souvent en tournée, et donc rarement sur Paris,"
Ildebrando Biribo" ou "Un souffle à l'âme"
qui est l'histoire d'un souffleur qui meurt sur scène et
c'est joué à merveille. Il a fait l'école du
mime Marceau et il y a de l'émotion, des rires, des larmes.
Jano : Il faudrait faire une promo pour l'ensemble
des cafés-théâtres.
Donc allez au café-théâtre!
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