Spectacle
conçu et mis en scène par Pierre Pradinas, d'après
le comte de Lautréamont, avec David Ayala.
David Ayala entre sur scène, méfiant,
claudiquant. Ardente, la première salve des "Chants de
Maldoror" nous frappe alors. L'acteur en transmet l'âpreté
et l'ironie avec un naturel qui nous ferait presque oublier
la performance qui se joue là sous la direction de Pierre
Pradinas. Directeur de la compagnie du Chapeau Rouge,
auteur, metteur en scène, il signe ici une mise en scène à la
violence virtuose qui épouse parfaitement les mouvements - saccadés
- du texte.
Une imposante porte d'immeuble glisse hors des coulisses, au fond du plateau-salon contemporain. Incongrue dans cet intérieur bourgeois aux canapé rouge, tapis, desserte et bouteille de whisky ; c'est là la première apparition dissonante. Elle sera suivie d'un pupitre derrière lequel David Ayala ira clamer, politicien, une partie de l'épopée en prose tandis que sur la toile blanche en fond de scène danseront des poissons-monstres à la beauté dérangeante. Les formes, mouvantes, deviennent d'impures couleurs et un univers en décomposition sourd au cœur du luxe bourgeois.
Les yeux captivés par les images psychédéliques, l'esprit perdu dans la vilenie de Lautréamont, l'évidence de la bande son s'impose. Le rock progressif des Pink Floyd entre en résonance avec l'univers halluciné de Maldoror, nous emportant vers un monde où la création procède de la destruction.
David Ayala déclame, souffle, inventant un texte incandescent,
alcoolisé, vautré sur le canapé ou tournant comme un derviche
pour nous charrier dans la transe de ces chants. Imitant tantôt
le phrasé gainsbarrien, lunettes noires, vacillant, il passe
avec bonheur de cette poésie noire qui confine au sublime à
la parodie la plus crasse, rendant justice à la bouffonade de
certaines strophes. |