Les hasards de la programmation portent simultanément à l'affiche deux expositions en miroir, consacrées à deux artistes majeurs de la sculpture de la fin du 19ème siècle, Auguste Renoir et Antoine Bourdelle.
De surcroît, elles présentent une identité tant thématique, celle d'Eros et Thanatos, que conceptuelle dès lors que, ni monographique ni rétrospective, elles sont consacrées à la genèse et au décryptage d'une oeuvre monumentale emblématique pour en circonscrire le processus créatif.
Le Musée Bourdelle présente avec "De bruit et de fureur - Bourdelle sculpteur et photographe"
l'analyse du "Monument aux morts, aux combattants et serviteurs du Tarn-et-Garonne" de Antoine Bourdelle, qualifié "d'éclaireur de la modernité" par Auguste Rodin dont il fut l'assistant.
Et "La Porte de l'Enfer" est au coeur de l'exposition "L'Enfer selon Rodin"
sise au Musée Rodin conçue sous le commissariat de François Blanchetière, conservateur du patrimoine audit musée, au terme d'un colossal travail scientifique dont la synthèse est superbement mise en espace par l'Atelier Maciej Fiszer.
La Porte de l'Enfer, la sculpture sans fin
L'exposition est passionnante notamment pour le néophyte car riche en révélations. En premier lieu, "La Porte de l'Enfer" constitue l'oeuvre d'une vie à jamais inachevée dont il n'est pas établi que la version en bronze connue du grand public,- huit exemplaires conservés en France, Mexique, Etats-Unis, Japon, Suisse et Corée - soit celle qui aurait pu être avalisée par Rodin.
En effet, elle été réalisée à titre posthume en 1928 d'après une version en plâtre datant de 1917, année de la mort de Rodin, qui résulte d'une reconstitution effectuée d'après des photographies et des moulages anciens qui aurait reçu l'accord de ce dernier.
La seule version exposée par Rodin lui-même, une version en plâtre visible au Musée Rodin de Meudon, date de l'Exposition universelle de 1900 et ne constitue qu'une ébauche dépourvue des figures saillantes.
D'autre part, cette oeuvre qui résulte d'une commande passée en 1880 de porte décorative ornée de bas-reliefs représentant "La Divine Comédie" de Dante destinée à la façade du futur musée des arts décoratifs est demeurée inachevée.
Et ce, en raison tant du syndrome de Bonnard dont était atteint Rodin que du quasi-abandon du projet de musée qui ôtait toute échéance à sa réalisation définitive. Rodin a néanmoins continuer à y travailler de manière obsessionnelle jusqu'à sa mort.
Par ailleurs, l'enquête approfondie menée par le commissaire montre comment le génie créateur de Rodin, après s'être focalisé sur l'inspiration dantesque imposée par le donneur d'ordre, a connu ensuite une inflexion significative.
Sous l'influence des thématiques baudelairiennes développées dans "Les Fleurs du Mal", ce qui, au demeurant, est conforté par les dessins réalisés par le sculpteur pour illustrer un exemplaire original de ce recueil, à Thanatos, avec les turpitudes de ceux qui traversent le Styx menant aux rives de l'Enfer, se joint alors Eros opérant un glissement du châtiment des damnés aux souffrances de la passion qui va impacter le modelé des formes
Enfin, appuyées par la présentation exceptionnelle de dessins de Rodin dits "les dessins noirs", sont analysées les modalités de composition de l'oeuvre qui commence par la structure orthogonale des deux vantaux de la porte à caissons et la méthode de travail consistant en une sculpture par assemblages partir d'un répertoire de formes, d'attitudes et de figures déclinées à l'envi.
Certaines, qualifiées par le commissaire '"évadés de la porte", constitueront des oeuvres autonomes, au premier rang desquelles "le Penseur", tels notamment "Le Baiser", "Ugolin", "Les trois ombres" et, en prêt exceptionnel, "L'homme aux serpents".
A noter qu'une application en ligne sur le site du Musée Rodin permet tant de précéder la visite que de l'approfondir avec une présentation thématique détaillée de toutes les figures
ainsi que la composition architecturale.
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