Comédie dramatique de Tonino Benacquista interprétée par Christophe Boutellier et Emmanuel Bloch.

Qualifié par l'auteur lui-même, Tonino Benacquista, de "western psychanalytique en deux actes et un épilogue", "Un contrat" est une pièce à suspense qui met en présence dans le cadre du huis clos d'un cabinet psychanalytique un praticien renommé et un patient d'une catégorie socio-professionnelle pour le moins inhabituelle.

En effet, ce dernier dirige un service des basses oeuvres, en d'autres termes d'une entreprise de tueurs à gages. Souffrant depuis peu d'irrépressibles et inexplicables crises d'angoisse dont les manifestations somatiques risquent de lui coûter même plus que son poste, il impose, sous la menace, au thérapeute d'officier efficacement.

Par le passé, c'était le médecin qui se voyait obligé de soigner le malfrat blessé et le prêtre d'absoudre le tueur tarabusté par le remords. Avec le 20ème siècle est né le psychanalyste accoucheur des âmes et confesseur moderne qui garantit l'impunité. Car comme l'indique Tonino Benacquista, la justice des hommes est une passoire, la justice divine un leurre, car Dieu n'existe pas, et le sentiment de culpabilité se soigne. Et tout le monde a le droit d'être soigné.

Tout l'intérêt de la présente confrontation vient de ce que les deux protagonistes dont les certitudes et la superbe sont ébranlées par une perte de contrôle due à une situation de contrainte violente, s'avèrent de force égale même s'ils disposent d'outils et de moyens différents.

Tonino Benacquista a écrit une belle partition échiquéenne que les deux comédiens interprètent brillamment avec des instruments affutés aux mêmes Cours Jean-Laurent Cochet, ce qui leur assure une homogénéité de niveau de jeu et une symbiose parfaite d'autant plus nécessaire dans un registre qui comporte une vraie prise de risque pour être efficacement porté sur scène et une intrigue qui fonctionne sur le mode des vases communicants.

Christophe Boutellier campe magistralement le "gangster" classieux, la cinquantaine élégante à l'austérité presque ascétique évoquant "Le samouraï" de Jean-Pierre Melville, qui a érigé son métier comme une profession de foi et un principe de vie, moteur de cette subtile relation contractuelle dépourvue d'affect.

Emmanuel Bloch incarne parfaitement le jeune psychanalyste confronté à un cas de figure atypique dans laquelle où, n'étant plus, ou pas encore, le maître du jeu il doit se colleter aux rouages de l'ambiguïté et la manipulation sado-masochistes et maîtrise toute l'interprétation non verbale du personnage par ailleurs soumis au laconisme "professionnel".

Le duo fonctionne donc à merveille pour un spectacle techniquement abouti et à l'émérite qualité d'interprétation.