Alain Bashung est mort le 14 mars 2009. L'importance d'une partie au moins de son œuvre méritait que l'on en ait une biographie. Même plusieurs, très vite.
Bashung, L'imprudent est l'une de ces biographies dont sont friands les amateurs de musiciens décédés. Publiée un an et demi après la mort du chanteur, elle a pour elle la caution de deux plumes professionnelles et du temps pris pour écrire, élaborer, se documenter.
On lui trouvera, pourtant, le même intérêt qu'à un article de Wikipédia rédigé par Jacques Pradel. Même dramatisation un peu outrée, toute de répétitions et de faux suspens. Et si l'on ne sait (plus) qui est Jacques Pradel, on n'a qu'à aller vérifier, justement, sur Wikipédia.
Il était louable de ne pas vouloir s'enfermer dans un découpage seulement chronologique (ou même, faussement plus élaboré : antéchronologique) ; mais il aurait fallu à l'ensemble une direction forte pour éviter les effets d'aller-retour dans lesquels on se perd, desquels on s'ennuie vite.
Pour interroger l'immensité du mystère laissé par la mort de l'immense chanteur, le livre ne pose pas de questions – ou plutôt n'en pose qu'une seule, qu'il décline tout au long des chapitres tours à tours consacrés à l'enfance, aux débuts difficiles, à la malade, etc. : comment un gros ringard dont plus personne ne se souvient de comment il en était venu à commencer, tant on a la sensation qu'il a toujours été là, a-t-il pu se muer en icône d'une chanson française exigeante ? Comment a-t-il pu si bien la renouveler, au point d'ouvrir la voie aux plus jeunes et prometteurs que lui ?
Bref : on nous refait, avec mollesse, le coup de Gainsbourg et Gainbarre, Dr Renaud et Mr Renard : comment Baschung se fit Bashung. À croire que les faiseurs de mythes sont à court d'imagination.
Il y aurait pourtant eu beaucoup à dire sur l’œuvre du grand homme, notamment dans ses avant-derniers développements. On aurait même pu, avec peut-être moins de fascination morbide, s'intéresser à ses paroliers, pièces maîtresses de cette œuvre, encore bien vivants pour leur part. Certainement préfèrera-t-on le faire lorsqu'ils seront morts, pour ajouter un chapitre à la légende – triste de maladresse, et qui pourrait bien vous tomber des mains tant les ficelles en sont épaisses. |