Film
thaïlandais de Oxide et Danny Pang avec avec Pawalit Mongkolpisit, Premsinee
Ratanasopha, Patharawarin Timkul et Pisek Intrakanchit
Originaires de Hong Kong,les frères Oxide et Danny Pang, respectivement
réalisateur et monteur, ont débuté dans la publicité.
Ces quelques précisions liminaires permettent de prime abord d’esquisser
les traits majeurs de leur premier long métrage réalisé
en 1999 et que le distributeur Europa Corp, la société de Luc
Besson, a la bonne idée de diffuser avant la sortie de leur deuxième
film annoncé pour août The eye.
Et ne vous arrêtez pas au titre du film, qui rappelle incontestablement
les grosses productions de baston kung-funesques de Hong Kong. Bangkok dangerous
possède tous les atouts pour devenir un film culte.
L’histoire tout d’abord . la caméra suit les pérégrinations
meurtrières d’un tueur à gages thaïlandais, mais
atypique et anti-héros par excellence car il est sourd-muet, un être
isolé et marginalisé, dont l’instinct de survie quasi-animal,
qui lui permet d’être un éxécuteur d’une froideur
mécanique, et la quête de la normalité se muent en dérive
suicidaire dès lors qu’il se rend compte de son impuissance à
changer de vie.
Intrigue classique et dénouement sans surprise certes mais à
l'instar des études de peintres, l'essentiel réside dans la
créativité et l'enrichissement du thème stéréotypé
ce qui n'est pas à la portée de tout le monde .
Et en ce domaine, les frères Pang font preuve d'un savoir faire et
d'une destérité évidents : par un montage rigoureux et
rythmé, l'alternance d'une bande son saturée ou muette, l'hétérogénéité
des images qui alternent le sépia et les couleurs flashy, la virtuosité
ultra-technologique (cadrages vertigineux, ralentis en saccades) ou minimaliste
(la première scène en noir et sépia, qui est également
utilisée pour le générique, du meurtre perpétré
dans des toilettes publiques est un exemple du genre) et la trituration de
l'espace temps dans tous ses états, ils ne laissent jamais un instinct
de répit au spectateur toujours sollicité, surpris, maintenu
en haleine et en tension propice aux décharges d'adrénaline
Et malgré cette débauche esthétisante, ils arrivent
à suivre leur propos et à nous captiver par l'histoire. En effet,
en fonction du rythme interne du personnage, ils nous font percevoir dans
quel enfermement se trouve ce dernier. Les rares percées lumineuses
de la vie ordinaire vont précipiter son destin (l'enfant qui le surprend
lors d'une éxécution et qui s'amuse à l'imiter, la jeune
fille qu'il emmène à la fête foraine…)
De nombreuses scènes sont saisissantes, à l'instar de celle
de la progression dans le couloir pour venger l'ami mort, et rappellent les
images surréalistes de film comme le chien andalou de Bunuel.
Le choc mental de la violence, qui ne réside pas tant dans les scènes
de meurtre que dans celles de la violence quotidienne, banale, normalisée
( telles les images de l'enfant sourd lapidé par les enfants du village),
génère immanquablement une empathie pour le personnage et suscite
la compassion qui va croissante jusqu'aux dernières images dont on
voudrait arrêter la progression.
Le générique (lettres rouge qui s'affichent sur le sang noir
qui coule) ne trompe pas : sang sur sang, Bangkok dangerous nous emmène
bien loin de la Thaïlande pour touristes, aux confins de la rage, de
la souffrance et de la passion. |