Spectacle conçu et mis en scène par Stéphane Valensi à partir de textes de Jean-Claude Grumberg, avec Marc Berman, Marc-Henri Boisse, Guilaine Londez et le violoniste Boris Winter.
En septembre 2013, dans le spectacle en forme de conférence illustrée par des saynètes théâtrales intitulé "Chez les Ufs" dans lequel il officiait en personne, en compagnie de sa fille Olga et de Serge Kribus, le dramaturge Jean-Claude Grumberg livrait, entre autres, son interprétation du micro-texte "Maman revient pauvre orphelin".
Il délivrait de manière vive et loufoque, à la manière des sketches dubillardiens, ce texte écrit "à chaud", bref opus de conjuration de la douleur physique résultant de douloureuses suites post-opératoires qualifié de "chanson".
En effet, il résultait d'une entreprise scripturale de diversion dans laquelle "plainte, cri, pleurnicherie, cauchemar et invocation", le propre de l'homme souffrant qui redevient enfant face à l'angoisse existentielle, sont placés sous l'égide du tragique burlesque et de "l'humour juif" pratiqué par l'auteur dans l'ensemble de son oeuvre qui, en l'espèce, se manifeste par un dénouement jubilatoire avec une parole biblique en guise de "coup de pied aux fesses".
Le parti-pris de mise en scène de Stéphane Valensi l'inscrit dans un registre différent puisque, privilégiant les thèmes de l’absence, de la mémoire et de l’exil, il analyse le texte dans lequel Jean-Claude Grumberg évoque ses figures parentales, comme "l’attendrissant et déchirant appel pour que le théâtre soit le lieu où les morts et les vivants aient une chance de se rencontrer" et l'érige en partition mémorielle et commémorative dispensée avec la gravité qui s'impose.
Avec ce court texte, en usant des "noirs", Stéphane Valensi construit un spectacle de quarante minutes en le faisant précéder d'un autre micro texte, celui du monologue "Une vie de On", autobiographie expresse dans laquelle Jean-Claude Grumberg pratique une distanciation identitaire ironique par l'utilisation du pronom indéfini, et en insérant des intermèdes musicaux lugubres au son du violon plaintif de Boris Winter.
La mise en scène, didactique et sérieuse, est à l'avenant avec le recours aux effets métaphoriques : le pyjama rayé, tenue du malade et du dormeur qui évoque celui des déportés en camp de concentration, l'émergence de l'obscurité des personnages qui demeurent dans un simple halo lumineux pour signifier la résurgence mnésique et usage récurrent du "noir" pour marquer la gravité du propos.
Stéphane Valensi a réuni des comédiens émérites : Guilaine Londez officie dans un registre néo-réaliste pour camper la mère, jeune femme résignée, mère acariâtre et viellarde sénile, Marc-Henri Boisse use de sa voix de basse pour camper les figures masculines, de Dieu le père au père mort en déportation en passant par l'anesthésiste et le directeur de maison de retraite, et Marc Berman est le pauvre orphelin qui se débat entre névroses et obsessions. |