Monologue dramatique écrit et interprété par Paul Van Mulder.
Sur le vide du plateau plongé dans la quasi obscurité, un homme, la quarantaine, en posture sous tension, presque fébrile.
Il parle, raconte, se raconte, de manière tout aussi frontale et radicale qu'ambivalente entre introspection, confession et plaidoyer, avec une voix plaintive aux inflexions et intonations erratiques et une scansion lancinante.
Et puis quand, à plusieurs reprises, il se lève pour courir en silence en cercles concentriques autour du siège, vient à l'esprit la toile "Le cri" de Edvard Munch, et ce cri d'une humanité inaccomplie. Car la souffrance est au centre de la partition monologale écrite par le comédien belge Paul Van Mulder dont le personnage est immergé dans un vide existentiel et affectif.
Intitulé "La solitude d’un acteur de peep-show avant son entrée en scène", le récit rétrospectif commence par son activité professionnelle atypique, celle d'acteur de peep show, au demeurant anachronique car il n'a pas le physique d'un Chippendale ni l'appétence sexuelle d'un hardeur.
Ni vocation ni exhibitionnisme, simplement une opportunité de petit boulot, un boulot alimentaire qui, en sus, lui permet d'économiser pour son rêve de vie à la campagne au milieu de la nature.
Élevée par une mère seule, aimante et modeste, un coeur simple, mais toujours inquiète, ne lui transmettant sans doute que cette inquiétude tissée d'une angoisse personnelle et du souci de l'avenir, il n'a jamais trouvé sa place dans un monde où l'altérité est illusoire, la solitude profonde et le manque d'amour insupportable.
Et cependant il revendique la reconnaissance et le respect des autres, mais en vain car cette reconnaissance et ce respect résultent d'un effet miroir, l'autre renvoyant la reconnaissance et le respect que se porte l'image projetée.
Or, cet homme n'éprouve ni l'un ni l'autre en vers lui-même, en raison d'un déficit d'estime de soi qui positionne sa relation aux autres sur le mode de la frustration violente et de la confrontation agressive.
Avec quelques brèves ponctuations musicales glassiennes, Paul Van Mulder porte le texte, un vrai travail d'écriture, avec une grande rigueur et une belle économie de moyens privilégiant l'incarnation à la démonstrativité.
Le personnage trouble et dérange en ce qu'il suscite autant la compassion que l'agacement par sa victimisation geignarde. Sans doute parce son double, son frère de misère, peut se croiser au coin de la rue. |