Paul Beatty est un auteur américain né au début des années 60 à Los Angeles qui vit aujourd’hui à New York. Homme de poésie mais aussi homme de romans, il s’est beaucoup produit sur scène à ses débuts. Il est l’auteur de quatre romans dont Moi contre les Etats-Unis d’Amérique qui a obtenu le Man Booker Prize en 2016. Parmi ses quatre romans se trouve Tuff, livre écrit en 2000 que les éditions Cambourakis ont eu la bonne idée de publier en Français avec la traduction de Nathalie Bru.
On suit dans ce livre l’histoire de plusieurs personnages dont Winston Foshay, un mastodonte d’une vingtaine d’années pesant plus de 140 kilos. Son surnom, Tuffy. Son pédigrée ? Il est le rejeton d’un ex Black Panther. Sa chance ? Il se réveille un jour évanoui (il s’évanouit dès qu’il a peur !) après une fusillade entre dealers dans un squat de junkies. Autour de lui, un amas de cadavres et aucun rescapé. Ce miracle lui fait ouvrir les yeux. Il ne veut plus être confronté aux histoires de gros bras, il veut s’éloigner des affaires sombres et dangereuses de son quartier. Il veut changer de vie. Sauf qu’il ne se sent pas le courage de le faire tout seul. Il a besoin d’une aide.
Cette aide, il va penser la trouver auprès d’un guide spirituel habituellement chargé de s’occuper des enfants défavorisés du quartier, le rabbin Spencer. Son futur mentor est un afro-américain, converti au judaïsme pour épouser une juive blanche qui au final l’a laissé tomber. Pour Spencer, le travail de rédemption que doit effectuer Tuff repose sur l’identification des buts de son existence. Il doit réfléchir à ce qu’il veut faire, à ce qu’il veut être et ce, en s’entourant de ses amis qui pourront lui donner des conseils bienveillants.
Après une intense réflexion, Tuff identifie son but pour exister. Ce but, c’est de faire de la politique, de se présenter aux élections de son district. Il va falloir rassembler, mener une campagne inventive avec ses proches. Et montrer qu’il est réellement capable de renoncer à son passé.
Paul Beatty nous offre un roman truculent, rempli de rebondissements qui rythment une intrigue faite de personnages savoureux toujours cosmopolites (des juifs, des blancs, une mécène pour sa campagne d’origine japonaise), handicapés aussi comme son pote Fariq. Les digressions dans le livre sont nombreuses, les dialogues sont toujours percutants et proposent souvent une réflexion sur la question sociale et raciale aux Etats-Unis.
Beatty est un formidable écrivain qui sait manier parfaitement les mots et les maux. Gouailleur, impertinent et insolent, il s’en amuse en mêlant oralité et registre soutenu dans une langue imagée, souvent poétique et fourmillant de références.
Légèrement caricaturiste, il aime jouer avec les stéréotypes, créer des personnages parfois un peu gros(tesque) qu’il fait évoluer dans des situations improbables pour créer une distance avec le réel qui lui permet d’aborder avec subtilité le sujet périlleux des préjugés de race ainsi que celui de la condition noire, son thème de prédilection. Avec son humour corrosif, disséminé dans tout le livre, il tord le cou à tous les clichés.
Au travers du livre, enfin, Paul Beatty nous dresse le portrait d’un quartier, Harlem et de la communauté qui l’habite, un quartier haut en couleurs que l’on a déjà croisé dans de nombreux films au cinéma, cinéma que le personnage principal aime avec passion, principalement le cinéma asiatique. Le portrait qu’il dresse de ce quartier est sensible et chaleureux, montrant l’attachement que porte l’auteur à ce quartier caractérisé par une grande diversité.
On passe donc un agréable moment en compagnie de Tuff que je vous conseille vivement de lire. |