Drame de Henning Mankell, mise en scène de Brigitte Jacques-Wajmean, avec Mauriche Benichou et Rachida Brakni.
Comme son compatriote Magnus Dahlström dont "L'usine" est à l'affiche du Théâtre du Rond Point, Henning Mankell affectionne les huis clos pathogènes. Là où l'autre fait dans la barbarie ordinaire dans le milieu professionnel, l'autre, avec "Ténèbres" explore le huis clos familial.
Car si les personnages sont ceux de deux émigrés clandestins terrés dans un appartement dans l'attente de papiers d'identité signes de liberté, le sujet central de ce drame très noir réside dans la confrontation du père et de la fille rescapés d'un naufrage qui a emportée la mère au cours de leur périple.
Le père complètement choqué tant par cette fuite vers l'inconnu que par la mort de son épouse qu'il n'a pas pu ou su sauver, impuissant face à des événements qu'il ne peut maîtriser, sombre peu à peu dans la nuit mentale. Mais auparavant, il se raccroche aux vestiges d'un autoritarisme exacerbé qu'il exerce contre une fille aimante et soumise.
Henning Mankell, auteur de romans policiers, excelle dans l'écriture de cette inexorable descente aux enfers qu'il conduit au paroxysme, aux frontières du viol et du meurtre. Difficile de résister à la chape de plomb oppressante qui pèse sur le plateau dès les premières répliques.
Dans la mise en scène épurée et sans concession de Brigitte Jacques-Wajmean, l'incarnation de Maurice Bénichou, toute en émotion vénéneuse et violence cathartique de l'homme dépossédé de son identité et de sa vie, incapable de surmonter l'épreuve du déracinement, et de Rachida Brakni, fragile mais indomptable, en jeune fille confrontée à la perte des repères et au dilemme entre l'amour filial et l'instinct de vie, est tout simplement remarquable et bouleversante.
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