Le label parisien Distile Records s’offre une escapade américaine avec le premier EP de son premier groupe américain : Swims, duo basse - batterie de Sacramento. En une vingtaine de minutes, Paul Slack et Marc Rocha imposent un rock qui jazz autant qu’il math, rock et roule, progressif, métalloïde, post-quelque chose ; un rock bien à eux, en tout cas.
Duo à la scène comme au studio, Swims n’en englouti pas moins l’auditeur sous des avalanches d’arpèges et de roulements, d’accords et de frappes sèches, douces, dures, avec une variété de sonorités et une profondeur des compositions qui pourront bien faire oublier qu’un duo, précisément, ne compte que deux personnes. Et ça fleure bon, là-dedans, la sueur de zicos bedonnant et poilu en débardeur, buveur de bière, of course ; et plus fins qu’il n’y paraît, amateurs de Don Caballero, Dilute et Rumah Sakit - quand les beaux monsieurs en costume, eux, seraient assez vulgaires pour chercher dans Def Leppard et Queen l’expression de leur révolte mélomaniaque.
En six titres d’un format très raisonnable (3’53 pour le plus long d’entre eux), cet EP éponyme se démène avec une belle énergie. A vrai dire, il y a dans ce petit tiers-d’heure (tiers d’album) assez de plans pour remplir plusieurs disques de titres aux formules plus simplettes, où l’alternance couplet-refrain soutiendrait popement (c'est-à-dire : mollement) une voix plus ou moins nasillarde. Mais ici point de voix, et le lyrisme se replie sur ce que l’on n’aura plus le front d’appeler une section rythmique, tant il est vrai que cette basse et cette batterie s’affranchissent avec désinvolture de la distinction entre ce qui est du rythme et ce qui est de la mélodie. D’où un certain souffle épique, pour des compositions dense et exigeantes - avec elles-mêmes plus encore qu’avec l’auditeur.
Car on saura gré au duo d’éviter avec adresse l’écueil d’une musique indigeste à force d’inventivité ou de virtuosité, abîmé dans l’autosatisfaction experimentalo-arty. Le rock de Swims débarque dans son vieux van pourri, vêtu de son vieux jean cradingue, pour n’avoir rien à dire, pas de théorie à défendre, pas même un manifesto à formuler. Il cogne, et c’est déjà bien assez – car ceux qui parlent du rock, qu’ils en parlent une plume ou une basse à la main, ne sont pas ceux qui font le rock ; n’est-ce pas, mister chroniqueur ? |