Texte de Dario Fo et Frances Rame, adapté, mis en scène et interprété par Mélanie Gautier.
"Cellule 719". Dans la prison de la prison de Stuttgart-Stammhein Titre abrupt qui évoque derechef le monde carcéral mais pas n'importe quelle cellule. Une des cellules d'isolement extrême destinées à des prisonniers singuliers : les membres de la RAF qui défrayèrent la chronique des années 70.
Alors qu'on célèbre mai 68, il est bon de se rappeler que ce n'était pas que le folklore de "sous les pavés la plage". En Allemagne de l'Ouest, des intellectuels allemands, cultivés et déterminés, troquent la plume de l'idéalisme pour le fusil mitrailleur de la guerilla urbaine. Poursuivis pour terrorisme, ils seront arrêtés, emprisonnés et "suicidés".
Mélanie Gautier a choisi deux textes de Dario Fo et Franca Rame, deux monologues qui disent sans jugement, qui racontent des fragments d'humanité anéantie.
L'un est le hurlement de résistance ultime de Ulrike Meinhof, journaliste de la contre culture dont le nom est associé à Rudy Dutschke dit le rouge, et co-fondatrice historique avec Andréas Baader de cette organisation révolutionnaire d'extrême gauche. Elle décrit les conditions d'emprisonnement qui, par l'isolement sensoriel et humain total dans une cellule aseptisée, insonorisée et éclairée en permanence, tentent d'acculer les individus à la mort psychique, à la folie ou au suicide.
L'autre narre, vécu de l'intérieur, l'assassinat froid et méthodique d'une autre militante, Irmgard Möller. Deux textes tout aussi troublants que forts, parfois à la limite du dicible, que la comédienne a fait siens dans une scénographie réduite à l'épure.
Dans la petite salle du Théâtre de l'Orme, elle plonge son regard dans celui des spectateurs et les laisse désemparés. Un travail remarquable loin de toute complaisance ou de pathos. Presque clinique. Les mots pour le dire et une voix pour les transmettre. |