Comédie
dramatique de Aziz Chouaki, mise en scène de Laurent
Hatat, avec Azeddine Benamara et Mounya Boudiaf.
Cela commence comme un conte, avec le serment des oranges, qui lie un homme, un juste, qui n’a pas le privilège de détenir la vérité, qui s’est trompé parfois mais qui sait reconnaître ses erreurs, un homme sans âge, peut-être l’âme de cette Algérie si brûlante sous le soleil, le bleu du ciel et le ressac de la mer.
Cet homme animé d’un idéal interculturel,"métissé" comme sa
terre natale, terre de passage comme de nombreuses autres, nourrie
des cendres de tous ceux qui y ont vécu et venus d’horizons
divers, qui, à l’aube de du quarantième anniversaire de l’indépendance,
porte toujours au cou la première balle tirée par des français
en 1830 qu’il est chargé d’enterrer quand la paix, la fraternité
et l’amour seront revenus.
Dans "Les oranges", Aziz Chouaki musicien, journaliste et écrivain algérien, retrace, l’histoire de son pays qui, de la colonisation avec la Bible qui ombrait le Coran à la montée de l’intégrisme avec le FIS où la parole du prophète est dispensée par kalachnikov interposée, en passant par le dogme de la sainte trinité (un parti, une langue, une religion), s’est enfoncé dans une "anarchie arabo-arabe" et un contexte socio-culturel marqué par une violence intestine, et propose une réflexion humaniste sur la personnalité et l'identité algérienne.
Ce texte lourd, dense, sans langue de bois, animé d’un véritable souffle épique, à l’écriture nerveuse qui sait se faire poétique, au style foisonnant riche de métaphores comme celle de l’œuf, symbole de la fécondité, porteuses d’espoir notamment quant au rôle de la parole, et des intellectuels qui comptent toujours parmi les premières victimes du totalitarisme et du fanatisme, est porté sur scène de manière radicale et épurée par Laurent Hatat. Pas de décor folklorique, pas de reconstitution des quelques scènes du quotidien seulement évoquées par la voix et le chant de Mounya Boudiaf, pas d’images documentaires. Simplement le poids des mots et la force d’une langue totalement incarnés par Azeddine Benamara. |