Comédie
dramatique de Molière, mise en scène de Dimitri
Klockenbring, avec Avec Blandine Bellavoir, Pierre Buntz, Constance
Carrelet, Tristan Le Goff, Nicolas Lumbreras, Joséphine
Mikorey, Benoît Moret et Thomas Zaghedoud.
Dans le cadre de l'édition 2010 du Prix du Théâtre 13 des jeunes metteurs en scène, Dimitri Klockenbring présente - ce qui relève quasiment à la hardiesse par les temps qui courent - une pièce dite "du répertoire, "Le misanthrope" de Molière, tout en se défendant de s'inscrire dans la tradition indiquant dans sa note d'intention "Mon but "n'est pas d'honorer un classique mais de m'en servir pour parler des hommes et des femmes d'aujourd'hui".
Mais cet opus tragi-comique, qui épingle la comédie sociale, brosse le portrait de personnages archétypaux intemporels et universels tant la nature humaine est pérenne. De plus, la tradition n'a intrinsèquement rien de péjoratif quand elle est conçue comme le respect d'une oeuvre.
D'autant que, et ceci est paradoxal, la mise en scène et la direction d'acteur de Dimitri Klockenbring, même si les comédiens sont en costume de ville, s'inscrit dans une veine classique de bonne facture nonobstant la présence de quelques concessions "conjoncturelles" à l'air du temps pour concilier - réconcilier ? - les goûts du grand public qui consistent à y injecter quelques contextualisations caricaturales en puisant notamment dans les subcultures.
Ainsi toutes les scènes "chorales" sont traitées selon le registre du café-théâtre et à la Célimène de Molière, jeune pousse libertine à la manière de Madame de Merteuil qui jouit de la liberté, de la séduction et de l'habileté pour tirer les ficelles de son happy few, se substitue une frénétique vulgaire et tonitruante qui claque ses escarpins vernis rouge comme elle heurte les vers (Constance Carrelet).
Et la scénographie de cette pièce qui se déroule dans le lieu unique du salon de la belle, consiste essentiellement en un canapé, meuble ô combien connoté, qui après avoir vu s'y vautrer la petit monde de Célimène, avec le vieux beau à la Massimo Gargia, un Alceste qui aurait bien "tourné" (Pierre Buntz), le fils de bonne famille bobo, lunettes, jeans, converse et cravate clanique (Benoît Moret) et le queer matiné lauréat de la "Nouvelle Star" jusqu'à la barette dans les cheveux (Nicolas Lumbreras), dérape irrémédiablement vers une inattendue et novatrice scène de vaudeville de consommé sur canapé entre l'atrabilaire et la coquette.
Cela étant, les autres personnages sont remarquablement interprétés par des comédiens qui montrent une belle technique au soutien de leur partition qui, de ce simple fait, en étant fuide et intelligible efface toute interrogation quant à la modernité du texte : Joséphine Mikorey, la mondaine préfiguration de ce, qu'avec les ans, deviendra Célimène, Blandine Bellavoir, la bienveillante Eliante avec ses faux airs de Betty Boop, pendant féminin de l'excellent Thomas Zaghedoub qui campe le rôle de Philinte, l'ami vaillant protype de l'homme urbain
face à son contraire.
Dans le rôle d'Alceste, Tristan Le Goff restitue parfaitement les ambiguités d'un personnage profondément pathétique multipliant les stratégies d'échec, qui prête à rire également en se couvrant de ridicule, atteint de narcissisme mélancolique, prônant une vertu qui n'est rien de plus qu'un amour propre exacerbé. |