De manière récurrente, le Musée de la Poste organise dans sa belle galerie du Messager des expositions d'art qui n'ont pas de lien direct avec l'institution postale. Tel est le cas avec "Aragon et l'art moderne" consacrée aux relations entre Louis Aragon et l'art de son temps.
Une exposition transversale ambitieuse qui invite à réfléchir sur la trajectoire d'un homme engagé, poète, écrivain, journaliste, né en 1897 et mort en 1982, qui a laissé dans l'inconscient collectif l'image d'un chantre de l'amour passionné et d'un intellectuel de la gauche communiste repenti du soviétisme, qui a soutenu et écrit sur de nombreux artistes.
Josette Rasle, commissaire de l'exposition, a réuni un grand nombre d'oeuvres, peintures, dessins, scuptures et documents aux signatures souvent illustres, présentées selon un parcours chronologique en trois étapes qui correspondent aux grandes périodes de la vie d'Aragon articulées autour d'une salle qui propose des documents sonores et évoque l'appartement de l'écrivain.
Aragon ; ""L'engagement esthétique ne saurait être conçu en dehors de l'engagement politique"
Aragon s'est toujours intéressé à l'art peut-être davantage de manière intellectuelle, l'art comme un vecteur d'idées, prônant un art engagé. Par ailleurs, son amour pour l'art se traduit par des prises de positions esthétiques qui reflèvent l'ambivalence de sa propre pensée.
Au temps de sa jeunesse, Aragon, un des trois fondateurs du surréalisme qui fédère les dadaistes, évolue avec éclectisme au sein de la modernité et des avant-gardes.
Il noue avec eux des relations à double sens puisqu'il écrit sur les peintres qui l'inspirent et les artistes illustrent ses oeuvres tels Picasso, André Masson et Fernand Léger.
Le visiteur pourra ainsi voir des oeuvres de Robert Delaunay, Joan Miro, Jean Arp, Marcel Duchamp, Max Ernst, Juan Gris, Giacometti, Man Ray, Paul Klee mais aussi Georges Braque, Chagall, Signac et André Marquet et de peintres moins connus du grand public comme le cubo-figuratif Marcel Gromaire et les surréalistes Pierre Roy et Yves Tanguy.
Les années 30 marquent l'engagement politique d'Aragon, dans lequel d'aucuns voient un Rastignac qui a utilisé le parti communiste comme moyen d'assurer sa réussite. Il vient de rencontrer la belle étrangère Elsa Triolet, qui était proche du milieu révolutionnaire russe, avec qui il fera partie de la mondanité communiste.
Aragon soutient le réalisme socialiste soviétique qui prône l'interdépendance des champs politique, idéologique et littéraire et l'art au service du pouvoir.
Il soutient des artistes militants tels Boris Taslitzky (Etude pour riposte) et André Fougeron (Les parisiennes au marché) engagés dans le mouvement de la Maison de la Culture qu'il dirige ou Bernard Lorjou (Le jour V) et Bernard Buffet qui créèrent le groupe “l’Homme témoin”.
Enfin, à l'automne de sa vie, il encourage des artistes contemporains qui oeuvrent dans le sillage du surréalisme tels Gérard
Titus-Carmel et Alain Le Yaouanc et Bernard Moninot dans la mouvance de la nouvelle figuration.
Une exposition à double détente comme l'indique la commissaire, entre la vision des oeuvres et la lecture des écrits de Aragon. |