Le moins que l'on puisse dire, c'est que CharlElie est un artiste contemporain, qui vit au coeur du temps. Déjà pas mal d'années qu'il nous accompagne et qu'il nous livre une expression toujours neuve et fraîche. Un artiste majuscule, à deux majuscules CharlElie.
Fort rêveur, disque passerelle entre les modernités. Forever, l'artiste qui vit à New-York, source d'inspiration, qui grimpe les gratte-ciels, qui plonge dans la verticalité pour puiser le tempo du grondement vital. Dimensions de fascination. Que complètent les fluides des rues et le chemin des passants. Un oeil de caméra panoramique. Une conscience travaillée, une activité effrénée. New-York, l'énergie et la liberté qui éclaire le monde. Blessée désormais, fragile et déjà muséifiée.
Fort Rêveur, ces rêves de voyages immobiles, cet autre faisceau lumineux pour guider un monde à la dérive. Forteresse qui guette un danger inconnu. Un désert des Tartares sans ennemi, si ce n'est soi-même, ce double monstre.
Entre les deux continents, un monde onirique dont font partie les nuages, sans frontières, sans permis de séjour. Le bruissement des langues et des musiques des hommes. Tendre l'oreille, et baiser du traître. L'histoire comme une transpiration tiède, quel patrimoine !
Fort Rêveur est le dernier disque de CharlElie, condensation de l'air du temps, de ses pesanteurs et de sa légèreté. Une ambiance d'une grande délicatesse rock, un dosage subtil entre la voix rauque et la musique tellurique aux ondes hypnotiques. Travail parfaitement abouti, équilibre gagné.
CharlElie chante en français, autant ses préoccupations que ses aspirations pour le futur. Un programme politique, une vision prophétique. Réveillant le sacré. Tensions et concurrence des forces contraires. Nos contradictions. "Nous sommes tous des ours blancs", en d'autres temps nous étions tous des juifs allemands. Il s'agit de savoir qui monte dans l'Arche de CharlElie, qui sera sauvé du déluge. Le bestiaire de la faune urbaine, les "nés trop loin", l'électricité de nos désirs, l'intensité de nos passions, "les gestes gratuits". S'il fallait faire le tri, que garderiez-vous de vos vies ? Etes-vous digne d'être un de ces passagers ? Il n'y aura pas de luttes des classes, ni de bras en croix les jambes calées contre la proue lorsqu'elle fendra les flots. Il est grand temps d'y penser... grand temps de prendre son billet. |