En parallèle à des expositions consacrées à des figures majeures de l'histoire de la photographie, et connues du grand public, telles celles consacrées en ce même temps à William Klein ("Klein+Rome") ou Martine Franck ("Venus d'ailleurs" - Peintres et sculpteurs à Paris depuis 1945), la Maison Européenne de la Photographie propose des expositions de découverte.
Ainsi en est-il avec "L'âge d'or de la photographie albanaise" qui entraîne le visiteur dans l’Ouest de la péninsule des Balkans entre 1858 et 1945 pour un siècle de documents exceptionnels par leur contenu historique.
Exceptionnels également par la qualité et la technique de ceux que les commissaires de l'exposition, reprenant à leur compte les termes de l'écrivain albanais Ismail Kadaré visant "les aèdes de la lumière", qualifient de "rhapsodes" de la lumière.
Pour sélectionner une soixantaine de photographies, Loïc Chauvin, spécialiste de la photographie albanaise, et Christian Raby, professeur de photographie et d'histoire de l'art au centre de l'Université de Chicago à Paris, ont sélectionnés une soixante de clichés à partir de l'exploration, et parfois de l'exhumation, des fonds photographiques albanais qui constituent le thésaurus le plus riche des pays balkaniques.
La dynastie Marubi et les rhapsodes de la lumière
En 1858, dans un pays sous occupation ottomane depuis plusieurs le 15ème siècle, un italien exilé, Pietro Marubi, crée le premier studio photographique qui verra y travailler avec le même succès trois générations jusqu'en 1945, où après l'accession à l'autonomie en 1912, le pays connaîtra l'occupation italienne en 1939 avant d'entrer en 1945 dans l'ère du communisme stalinien.
Pionnier, il se spécialise dans le portrait en studio et ainsi que l'ont constaté les commissaires toutes les classes sociales, du roi au mendiant, et toutes les communautés, des Albanais musulmans aux Albanais occidentalisés sont passées devant son objectif.
Le Studio Marubi fera école en formant d'autres photographes qui essaimeront dans le pays en s'ouvrant à d'autres registres, du paysage aux scènes de la vie quotidienne et aux événements politiques en créant un genre, celui de la photographie mortuaire destinée à entretenir le sentiment de communauté pour les Albanais émigrés qui ne peuvent rentrer au pays pour les funérailles.
Car toutes les photographies, qu'elles soient commerciales ou de création, s'articulent autour d'un fort sentiment d'identité de la nation albanaise et du témoignage de sa culture qui est le point commun de la photographie albanaise durant ce siècle.
Comme l'indiquent les commissaires, "Le sentiment de l’identité nationale albanaise et le développement de sa photographie ont coïncidé dans le temps et s’éclairent mutuellement" et les premières générations de photographes ont témoigné de l'histoire de leur pays et du fait majeur qu'a constitué l'occidentalisation de leur pays.
L'ensemble du corpus proposé ressortit donc à la photographie documentaire voire ethnologique.
Il se caractérise, outre sa grande diversité thématique, par la pratique du contraste avec une maîtrise de la lumière dans tout le processus photographique, pour les photos de groupe, d'un sens aigu du cadrage proche de la composition picturale et d'une approche sensible avec la pratique du portrait frontal.
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