Comédie de Dario Fo, mise en scène de Joan Mompart, avec Mauro Bellucci, Juan Antonio Crespillo, Camille Figuereo, François Nadin et Brigitte Rosset.
Au début des années 70, le dramaturge italien Dario Fo écrit avec "On ne paie pas, on ne paie pas !" une satire socio-politique directement inspirée par la situation économique de l'Italie et les luttes des quartiers ouvriers basés sur le concept de désobéissance civile.
Sous couvert de la farce, le jeu de cache de deux épouses avec leurs maris et les forces de l'ordre pour dissimuler leur larcin lors du pillage d'un supermarché commis pour protester contre la cherté de la vie et la hausse du prix des produits de première nécessité, Dario Fo dresse une charge sociale anti-capitaliste, et anti-cléricale virulente, et exalte l'engagement militant pour s'opposer à l'exploitation de la force productive de la classe ouvrière dans le seul but de l'enrichissement personnel de capitalistes cyniques.
Quatre décennies plus tard, en pleine crise économique européenne, avec les taux records du chômage, le règne de l'ultralibéralisme et les "patrons-voyous" qui procèdent à des fermetures d'entreprises ou à leur délocalisation à l'étranger après avoir encaissé les subventions publiques destinées au maintien de l'emploi, et l'ambiguïté du rôle répressif de l'Etat sous couvert de défense de la propriété privée même corrompue au détriment de la collectivité, la diatribe reste d'actualité.
Car la situation sociale est tout aussi critique même si la désaffection pour la résistance collective et le militantisme notamment syndical semble la rendre moins explosive.
Ce que Dario Fo a bien compris puisqu'il a récemment modifié la "morale" de son opus en substituant la passivité désenchantée au credo de la lutte pour des lendemains qui chantent.
Sur fond de façades d'immeubles dits "à loyer modéré" et dans un décor d'appartement grisaille, avec une adaptation comportant quelques judicieuses contextualisations, Joan Mompart a privilégié le registre du réalisme de la tragi-comédie à la bouffonnerie de la farce burlesque traditionnellement usité qui donc, nonobstant le dispositif scénographique de plan à bascule de Christian Taraborrelli, tend plus vers la gravité que le délire de la pièce de tréteaux .
Cela étant, ce parti-pris, bien tenu et soutenu par le jeu de la troupe genevoise du du Llum Teatre, fonctionne sans gommer le pouvoir comique de la partition originale.
Dans une belle et dynamique choralité, Brigitte Rosset, Camille Figuereo, Juan Antonio Crespillo, Mauro Bellucci et François Nadin (désopilant dans son interprétation guignolesque des seconds rôles) sont dans une justesse de ton et une générosité de jeu qui contribuent à dispenser à un vrai spectacle populaire au sens non péjoratif du terme. |