La Pinacothèque de Paris poursuit son exploration de l'histoire de l'art sur un thème propice à nourrir les fantasmes des occidentaux, celui de l'érotisme en Orient.
Après l'Inde, en parallèle avec l'exposition "Le Kâma-Sûtra - spiritualité et érotisme dans l'art indien", elle se tourne vers le pays du soleil levant et la catégorie dédiée des estampes qui ont donné lieu à une expression fameuse synonyme d'invitation grivoise.
Si l'érotisme indien s'inscrit dans une démarche spirituelle de réalisation personnelle, l'érotisme japonais, à la seule finalité hédoniste, se décline à travers des estampes et ouvrages destinés à la sphère privée, tout en n'étant pas cantonnés à l'Enfer des bibliothèques.
L'exposition "L'art de l'amour au temps des geishas" propose de découvrir les oeuvres réalisées dans ce registre et pendant trois siècles, jusqu'à la fin du 19ème siècle, par les grands maîtres de l'art de l’ukiyo-e qui ne se sont pas limités au registre du paysage.
Conçue sous le commissariat de Francesco Paolo Campione, historien d'art et directeur du Musée de la Culture de Lugano, elle invite le visiteur à un parcours chrono-stylistique en sections, comme à l'habitude du lieu, rythmées par un code couleur pétulant, en l'occurrence, un bichromatisme saturé qui lui imprime une bienvenue fantaisie visuelle.
L'art érotique à la japonaise
L'exposition est introduite par une section consacrée à la représentation "chaste" de l'idéal féminin avec des portraits sublimant la beauté féminine et des scènes de genre peignant tant l'intimé avec la femme à sa toilette et les rituels de la coiffure et du maquillage que le quotidien de la société féminine.
Ce sont, entre autres, les célèbres "Douze portraits de Belles Femmes" de Utamaro, les femmes entre elles dans sa série "Motifs floraux" de Kiyochika, les "Dix physionomies de femmes" de Shuntei, les "Beautés de l'ère Kyono" de Kiyochika et les portraits de Kunisada figurant dans les "Cinquante-trois stations du Tokaido".
La femme est bien évidemment au coeur de l'imaginaire érotique qui est illustré par les "images du printemps" sous forme d'estampes xylographiques polychromes.
Représentation au réalisme explicite de l'acte sexuel, les shunga, signifiant "images du printemps", constituent tant des supports à la satisfaction onaniste et au plaisir partagé de manière ludique avec les femmes du quartier des plaisirs, les courtisanes, prostituées de haut rang, puis, le cas échéant, avec les geishas mais également les épouses, que de manuel d’éducation sexuelle pour les jeunes couples.
Ces estampes érotiques regorgeant d'ardeur amoureuse présentent parfois une composante humoristique tenant à la présence de détails cocasses ainsi qu'à la taille démesurée des parties génitales de taille démesurée.
Sont bien évidemment présentées des oeuvres des trois grands noms de l'estampe que sont Hokusai ("Recueil d'illustrations de couples amoureux"), bien que la rétrospective qui lui est consacrée au Grand Palais occulte sa production érotique, Utamaro (illustrations du livre "L'étreinte de Komachi"), et Hiroshige (avec un recueil d'illustrations).
Ainsi qu'un beau florilège d'estampes souvent réalisées par série calendaire : "Les Douze manières érotiques" de Juniban, "Douze rencontres sur la voie érotique" de Koryhusai Shunsho ou les "Douze mois d'estampes érotiques" de Shuncho.
L'amateur éclairé pourra ainsi comparer les différents styles tant en ce qui concerne le trait que la composition.
L'exposition s'achève avec des estampes qui s'écartent de la représentation d'un acte amoureux pour y substituer une pratique sexuelle plus musclée de tendance sado-masochiste.
Celle-ci se retrouve ensuite, de manière exacerbée, dans des mangas contemporains qui associent violence, pornographie et perversité.
Le commissaire a ainsi sélectionné quelques oeuvres de de Toshio Maeda, Dirty Matsumoto et Gengoroh Tagame et de Chiho Aoshima, figure de l'avant-scène nippone, qui sévit dans le style du manga kawaii. |