"Se wo were fi na wo sankofa a, yenkyi" ("Il n’y a aucun mal à apprendre du passé" en Akan)

Si on regarde la pochette rapidement, on aurait presque l’impression que ce Sankofa est le nouveau disque de Kamasi Washington. Même coupe afro, même silhouette imposante, boubou bariolé... La comparaison s’arrête là. Enfin le pianiste jazz brésilien Amaro Freitas partage avec le saxophoniste californien le goût pour la tradition et la spiritualité. Tradition et mélange des esthétiques. Sa musique lui ressemble. Originaire de Recife, terre de diversité, sa musique en est la manifestation et la descendance.

Le trio, emmené par Freitas avec le bassiste Jean Elton et le batteur Hugo Medeiros, conjugue musiques afro-brésiliennes avec musiques afro-américaines (funk, hip-hop), racines africaines, jazz et des musiques de traditions européennes ou occidentales (Bartók pour les sonorités, l’utilisation percussive parfois du piano comme pour l’invention rythmique). Mais c’est bien le Brésil et ses musiques (frevo et maracatu originaires du nord-est du pays, samba, matchiche...) avec leurs rythmiques singulières et caractéristiques, leurs spécificités propres qui irriguent les différents morceaux.

Amaro Freitas pourrait être en quelque sorte le descendant de Capiba, Moacir Santos, d’Hermeto Pascoal, le surréalisme en moins. A cela il faut rajouter la conception des textures, des densités, du rythme, au moins aussi importante que des mélodies, la dichotomie entre main gauche et main droite en étant la preuve flagrante.

Ce disque monde, jungle musicale est aussi une quête spirituelle, un manifeste. Un manifeste contre le racisme, la reconnaissance des racines noires du Brésil, le retour aux sources (le mot sankofa désigne en ghanéen un oiseau mythique qui vole vers l’avant, la tête tournée vers l’arrière, symbolisant la sagesse, la connaissance, la mémoire des peuples, l’importance du passé pour construire le futur) mais également pour l’environnement (Cazumbá et ses émanations de la nature).

Un disque fantastique.