Comédie dramatique écrite et mise en scène par Gérard Watkins, avec Nathalie Richard, Fabien Orcier, Anne Alvaro, Gaël Baron et Antoine Matthieu.
Après "Identité" qui épinglait le fichage génétique et le consumérisme, Gérard Watkins revient au Théâtre de la Bastille avec "Lost (replay)" pour explorer, indique-t-il, le thème de la corruption du langage et l’appauvrissement de l’être mais également le phénomène de la virtualité avec le paradoxe entre l'ère des technologies de communication, l'isolement des individus et la difficile quête d'amour.
Pour faire ce constat, il parachute sur terre un trio tuyau-de-poêle, un ex-couple et le frère, qui ne sont rien de moins que des anches déchus par une entité déique innommée et qui atterrissent durement sur terre, les ailes arrachées, et via la cheminée tel de Père Noël, dans la chaufferie d'un immeuble ordinaire.
Mais même "game over", ils restent frondeurs et, calife à la place du calife, entreprennent de jouer les marieurs pour recréer la rencontre du premier couple, celui de la Genèse. Gaël Baron, Antoine Matthieu et Anne Alvaro leur donnent une jolie présence même si cette dernière paraît moins à l'aise dans un registre qui empreinte également au burlesque.
Et au sein de l'humanité chassée du jardin d'Eden, ils trouvent à domicile, aux étages supérieurs, deux parfaits exemplaires d'individus égarés dans un monde "inhumain", deux quadras solitaires et polynévrosés, campés avec finesse par Fabien Orcier et Nathalie Richard.
Inspiré par le "Paradise Lost du poète anglais du 17ème siècle John Milton et "le Cantique des cantiques", Gérard Watkins a voulu décliner un thème archaïco-biblique sous forme de fable contemporaine, qui oscille entre candeur naïve et humour désenchanté, dans laquelle se télescopent le matérialisme, le poétique et l'irrationnel.
Son approche à la fois philosophique et poétique de la chute, de la perte et de la quête, dégage un charme certain tout en souffrant de la structure du texte minimaliste et des parti-pris de mise en scène de l'auteur qui induisent des dilatations du temps et des moments de vide, comme en apesanteur, qui entraînent, sur la durée de deux heures, le délitement de la partition.
Toutefois,après l'intervention de la lourde machinerie qui, par la mise en place d'un plan incliné dont la pente sévère est, au demeurant, difficilement praticable pour les comédiens, transforme en toit le décor initial d'un immeuble en coupe verticale tel une maison de poupée ouverte, le dernier acte en "happy end" récompensera le spectateur sensible et fleur bleue. |