Tragi-comédie de Evgueni Grichkovets, mise en scène de Alain Mollot, avec Cécile Métrich, Philippe Millat-Carus, Bruno Paviot, François Roy et Pierre Trapet.

En proie à mal-être profond, Sergueï n'a qu'une envie, qu'un besoin, partir. Sa destination, il l'ignore et d'ailleurs l'essentiel n'est pas là. L'essentiel c'est de ne plus être ici, c'est de quitter la ville où rien n'a plus de sens, ce qu'il tente bien maladroitement d'expliquer à ses proches, un peu las, voire lassés, de cette nouvelle lubie de leur ami, mari, fils.

Au fil des départs annoncés, mais sans cesse repoussés, du protagoniste se crée un véritable suspense. Qu'arrive-t-il à Sergueï ? Est-il l'enfant d'une époque individualiste qui a érigé le bonheur en but suprême sans en donner les clefs, est-il un simple égoïste, un lâche, a-t-il rencontré une autre femme, ou vit-il une perte de sens passagère que tout être humain est amené à connaître un jour ou l'autre ?

Dans un registre poético-comique presque clownesque empreint de mélancolie slave, entre étude de mœurs et surréalisme, les personnages se parlent beaucoup, mais s'écoutent bien peu, et on assiste à de véritables dialogues de sourds, comme autant d'exposés sur la manière de vivre et de survivre. La ville, cinquième personnage du spectacle, est omniprésente, par ses bruits, ses évocations, son attrait, et l'effroi, presque l'antipathie, qu'elle provoque chez le personnage principale.

La mise en scène d'Alain Mollot s'est attachée à rendre cette ville palpable. La scénographie, imaginée avec Raymond Sarti, place l'action dedans/dehors avec un mur de parpaings en fond de scène comme un immeuble qui boucherait la vue, ou un obstacle sur lequel se heurte inlassablement le héros, tandis que les jouets disséminés un peu partout font entrer dans l'intimité d'un couple, ou d'un homme qui aurait oublié de grandir.

Dans le désordre intérieur on croit apercevoir l'activité incessante extérieure. On entend les voitures, le métro, le brouhaha des gens. Bref, la ville est bien là sur scène et les comédiens doivent lui donner la réplique autant qu'à leurs partenaires.

Bruno Paviot, Cécile Metrich, Philippe Millat-Carus et Pierre Trapet, dans les rôles respectifs de Sergueï, Tatiana, l'ami de Sergueï et le père de Sergueï sont à la fois justes, drôles et touchants, dans un réalisme de jeu que vient déconstruire le surréalisme des propos et de la mise en scène.

Avec cette adaptation du texte d'Evgueni Grichkovets, Allain Mollot fait souffler un petit vent slave sur Avignon en nous fait sourire autant que nous questionner, démontrant définitivement que notre condition d'Homme est somme toute universelle.