"Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d’épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes noirs trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l’assemblée ; mais bientôt il n’y aura plus d’Assemblée, il n’y aura plus de président, et, dans quelques années, il n’y aura même plus de parlement, seulement un amas de décombres fumants.
L’ordre du jour est un petit livre d’à peine 150 pages écrit par Eric Vuillard, écrivain qui aime regarder l’histoire sous l’œil de la littérature sans la corrompre. Après Congo et 14 juillet, il s’attaque à la montée au pouvoir du nazisme avec l’ordre du jour sous un angle original.
Le livre débute en février 1933, dans le froid et la brume, au Reichstag allemand où Hitler a convié les 24 plus grands industriels allemands de l’époque dans le but de leur présenter son programme qu’il souhaite leur faire financer. Ils sont tous là, Krupp, Von Opel, Von schnitzler. Ils dirigent, Bayer, BASF, Siemens, Telefunken, Allianz, des grandes sociétés allemandes existantes encore. Ce sont d’ailleurs les mêmes qui profiteront d’une main d’œuvre déporté pour s’enrichir, ce que n’oublie pas de nous préciser l’auteur. Les berlines défilent, les liens se tissent et tous finissent par verser leur obole au futur Führer.
Eric Vuillard souhaite donc, à travers cet épisode montrer la veulerie, la voracité et la très grande imbécillité de ces 24 grands industriels qui portent, de part leur collusion avec Hitler, une grande responsabilité dans ce qu’il fera ensuite.
D’autres épisodes nous montrent que ces industriels ne sont pas les seuls responsables, que les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Europe ont aussi des responsabilités. On assiste à une scène dans le livre où son réunis pour un diner à Londres, l’ambassadeur du Reich, Ribentrop, Chamberlain et Cadogan. Le jour même, l’Allemagne a envahi l’Autriche.
En 1938, Le chancelier autrichien est convoqué secrètement par Hitler et Vuillard nous raconte la scène en mêlant ironie, consternation et colère. C’est après cette rencontre, incroyable et peu connue, que l’Autriche deviendra satellite de l’Allemagne.
Tous les événements choisis et racontés par Vuillard nous donnent des informations historiques non négligeables dans des aspects que l’histoire a un peu mis de coté. C’est le cas notamment du gigantesque plantage de l’armée allemande en 1938 quand elle est entrée en Autriche avec ses chars tombant en panne, la voiture d’Hitler peinant à arriver. Tout cela permet ensuite à Hitler d’éviter pareils désagréments lors de l’invasion de la Pologne en 1940.
Vuillard s’appuie donc sur ce qu’il considère être des épisodes cruciaux pour nous montrer la montée du nazisme. Il nous plonge directement au cœur de ces évènements pour nous montrer les tenants et les aboutissements. Le livre est juste magistral, et passionnant. |