Voilà un excellent ouvrage sur l’entre-deux-guerres qui vient de sortir dans la collection au fil de l’histoire chez Flammarion. A l’écriture, un certain Tim Bouverie, historien diplômé de l’université d’Oxford, connu pour avoir écrit des documentaires historiques et politiques avant de rejoindre Channel 4 News comme journaliste politique. Apaiser Hitler, qui vient de sortir est son premier ouvrage.
"Ils voulaient la paix, ils eurent le déshonneur. Et la guerre". C’est par ces mots que l’on pourrait résumer l’attitude des français et des anglais face à Hitler durant l’entre-deux-guerres. Après la Grande Guerre, le désir d’éviter un nouveau conflit fut peut-être le souhait le mieux partagé en Europe. Presque tout le monde avait perdu un être cher ou connaissait un invalide. Quand elle prit fin, même les vainqueurs n’avaient pas le cœur à la victoire. Très vite, le "plus jamais ça" se mit à résonner dans les oreilles des européens. Une opinion générale qui allait peser sur l’avenir et serait au cœur de la politique d’apaisement voulue par les Anglais.
Jeune historien salué par ses pairs, Tim Bouverie a reconstitué les tractations qui se jouèrent jour après jour pour "apaiser" Hitler et il fait revivre ici le marché de dupe qu’il imposa aux Européens dès son arrivée au pouvoir. S’il y a clairement de grands hommes politiques qui se sont trompés quand d’autres avaient immédiatement perçu ce qui allait se jouer, il montre que les situations ne se sont jamais inspirées par le seul aveuglement de quelques-uns mais le fruit d’une équipe perméable à son époque.
Personne n’a oublié le triomphe populaire fait à Chamberlain et Daladier à leur retour de Munich. Tour à tour vue de Londres, Paris ou Berlin, cette histoire se trame dans le secret des chancelleries et des nombreuses archives accessibles désormais.
En lisant cet ouvrage, on se rend compte que la stratégie de la France et du Royaume-Uni vis-à-vis de l’Allemagne nazie fut assez incompréhensible, proche de l’aveuglement. Elle prend néanmoins forme pour des raisons économiques avec la volonté de faire des économies en ce qui concerne l’armement. Elle s’explique aussi par une impréparation militaire, Français et Anglais pensent ne pas être prêts militairement pour faire face à l’armée allemande. A cela s’ajoute évidemment le traumatisme psychologique qui fait que les Anglais et les Français ne veulent pas d’un nouveau carnage. Enfin, le profil anticommuniste d’Hitler a aussi tendance à rassurer les Anglais.
L’attitude des Anglais et des Français face à Hitler s’explique aussi par l’arrogance et la vanité qui les caractérisaient. Chamberlain était persuadé qu’il arrivait à manipuler Hitler notamment lors des accords de Munich. Pendant ce temps, l’histoire se tissait dramatiquement, Hitler prenant le dessus, continuant à envahir ses proches voisins. On y voit néanmoins un Anglais loin d’être dupe de tout cela, un certain Churchill, qui voit la guerre arriver.
L’ouvrage relate cette histoire autour d’un récit haletant qu’on ne lâche pas même si on connaît déjà la fin. Avec une rare maîtrise, l’auteur rend inéluctable, la fuite en avant de la politique nazie et les trop nombreux coups de bluff d’Hitler, qui ne manqua jamais une occasion de se présenter comme un pacifiste et multiplia les contacts rassurants auprès des interlocuteurs étrangers. Le concept d’apaisement reste un concept phare de la diplomatie, et il est toujours à l’œuvre aujourd’hui.
Comme le dit Ian Kershaw, historien spécialisé du nazisme, Apaiser Hitler nous offre une exploration réussie des mentalités par-delà les décisions politiques, durant l’entre-deux-guerres. Il serait difficile de le contredire tant cet ouvrage est excellent. |