Voilà un roman captivant et original qui nous vient tout droit du pays le plus peuplé au monde, l’Inde. Edité chez Buchet-Chastel, il nous vient d’un auteur que je n’avais encore jamais lu, un certain Jeet Thayil, poète, romancier et musicien indien né en 1959. Ayant grandi à Bombay, Hong Kong et New-York, ce touche-à-tout est un musicien guitariste, auteur compositeur. Il a écrit le livret de l’opéra, Babur in London, puis a fait une tournée en Suisse et au Royaume-Uni en 2012. Il se produit souvent avec son groupe Still Dirty. Son premier roman, Narcopolis, publié en France a reçu un accueil enthousiaste. Mélanine qui vient de sortir est donc le second roman de cet auteur qui vit aujourd’hui à New Delhi.
Jeet Thayil nous raconte l’histoire de Xavier qui, à l’approche de la cinquantaine, décide de quitter Manhattan au lendemain des attentats du onze septembre pour retourner chez lui en Inde. Ce voyage, ou plutôt ce retour vers ses origines, il va le vivre comme une odyssée vers son passé. C’est dans la première partie du livre que le lecteur va apprendre à connaître le personnage de Xavier au temps de son enfance et de sa jeunesse avant son départ pour New-York. Cela passe par divers témoignages de personnes qui l’ont connu, de la voisine de palier à son directeur d’école, en passant par des journalistes ou des femmes qu’il a rencontrées. Se dévoile alors pour le lecteur un personnage complexe et tourmenté qui possède un goût prononcé pour la poésie et l’art en particulier. On y voit ses années d’apprentissage auprès d’un groupe d’obscures poètes de Bombay.
Après cette première partie plutôt exigeante mais aussi assez troublante car on ne sait pas encore vers où va l’ouvrage, la deuxième partie nous emmène à New-York. On entre alors véritablement dans le cœur du roman, dans la vie de Xavier à New-York, une vie faite de dépravations en tout genre, entre plan-cul et alcool plus que de raison.
Revient ensuite le temps des entretiens, le temps de réflexion sur les différents arts présents dans la vie de Xavier, pour faire le portrait d’une âme dévorée par des penchants autodestructeurs et portée par un idéal esthétique radical. Se dresse en même temps, une histoire de l’Inde dans la deuxième moitié du 20ème siècle, la mort d’Indira Ghandi en 1985, les massacres de Sikh et les conflits ethniques et religieux existants en Inde. Le lecteur voyage, de Goa à Madras, de Bombay à Delhi en passant par Bénarès.
La partie suivante traite du retour vers le pays natal, de nouveau sous la forme du roman s’avère être une lecture enivrante nous faisant découvrir ce pas continent aux multiples cultures, aux multiples littératures, aux paysages divers. Pays complexe, à l’image de Xavier, il nous raconte la société dans laquelle il a évolué, avec toujours en toile de fond sa volonté de créer, de la poésie à la peinture.
Alors voilà, la lecture de cet ouvrage de Jeet Thayil fut longue et exigeante, ce qui n’est pas ici un défaut. Nul risque ici ou là de spoiler l’histoire de ce roman tant il y en a. En faire un résumé tiendrait de la gageure. Cet ouvrage est foisonnant du début à la fin mais il faut prendre son temps pour rentrer dans l’ouvrage qui dévoile une prose hypnotique pour dessiner le portrait complexe de ce personnage incroyable, porté par un idéal artistique radical.
Au final, l’ouvrage s’avère être une fiction enivrante et intelligente, un hymne beau et étrange à la vie d’artiste. On ne regrette pas le temps passé aux côtés de Jeet Thayil, un auteur à suivre qui ne manque pas de talent littéraire. |