James Blunt a cela d'agaçant (en plus de sa musique) qu'il laisse accroire au grand public qu'il a inventé la ballade "romantique" alors qu'en fait, il n'a fait que rendre mièvre et insipide un genre musical plus délicat à manier qu'il n'y paraît et dans lequel il parait actuellement bien difficile de faire mieux que les Buckley, Elliot Smith et quelques autres qui malheureusement ne sont plus là pour le dire eux-mêmes.
Aussi, cessons de comparer les autres artistes au sieur Blunt, définitivement pas le bon étalon. En tout cas, pour ce qui est de juger de la qualité d'une ballade à l'aune de sa production.
Ne comparons donc pas ce jeune lillois et sa musique à Blunt. Car même si quelques erreurs de jeunesse, ou peut-être un péché de gourmandise, viennent amoindrir le potentiel de cet album, on tient là un beau début de carrière. Storyteller se la raconte certes un peu mais nous en dit long sur les talents de GreenShape, sa sensibilité sans doute exacerbée que l'on imagine transformée en humilité, voire en timidité sur scène.
Ce gaillard qui fut un temps sur une tout autre scène, entourée de cordes et gants aux poings semble ici avoir trouvé une voie tout autre. Apaisé, sans complexe, Greenshape livre des ballades touchantes, dépouillées mais élégamment présentées dans un écrin de cordes, guitares et claviers. Les voix parfois doublées ou, mieux, en duo font mouche la plupart du temps. Quelques moments restent pourtant dispensables ressemblant davantage à une discrète tentative de percer l'oreille du grand public en jouant sur les canons du genre - pour ne pas dire les grosses ficelles. Mais cela reste marginal et après tout, tout à fait louable, ce n'est pas toujours une tare de vouloir toucher le plus grand nombre, surtout si c'est bien fait comme ici.
Storyteller est donc un bel album de ballades, chantées en anglais par un français et enregistrées en Suède. La mondialisation a parfois du bon puisque ce disque sonne tout à fait comme ce qui peut se faire de bien dans le grand nord (on pense notamment au pendant masculin d'Anna Ternheim), c'est-à-dire avec élégance et distinction, fragilité et mélancolie. Derrière cet homme qui semble égaré dans les phares d'une voiture que l'on voit sur la pochette, se cachent un coeur et une plume à suivre de prêt. |