Pièce chorégraphique de Florence Meregalli avec ; Florence Charrois, Gladys Foggea, Delphine Soyer et Florence Meregalli.
Quatre danseuses, dont une en fauteuil roulant et une sourde. La compagnie de danse Tatoo propose depuis quinze ans des spectacles de danse contemporaine qui regroupent artistes valides et handicapés autour d'un même projet. Les impératifs liés au handicap deviennent alors une contrainte grâce auquel il faut créer de nouvelles figures, et non un frein.
Dès le début du spectacle, le ton humoristique est donné par un court discours d'introduction en langage des signes par Delphine Soyer, l'artiste sourde. On pense alors à Pierre Desproges qui disait " S'il est vrai que l'humour est la politesse du désespoir, s'il est vrai que le rire, sacrilège blasphématoire que les bigots de toutes les chapelles taxent de vulgarité et de mauvais goût, s'il est vrai que ce rire-là peut parfois désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles, alors, oui, on peut rire de tout. On doit rire de tout."
Les danseuses commencent au sol, ce sont essentiellement les parties hautes du corps qui bougent et permettent ainsi des mouvements d'ensemble de la part des quatre artistes.
Gladys Foggea, la danseuse paraplégique, est assise sur scène, la moitié du corps sous un drap. Puis sortent des jambes, mais ce ne sont pas les siennes puisque Gladys Foggea est noire et que les jambes qu'on voit sont blanches.
Les jambes commencent alors à vivre leur propre vie, symbole d'une danseuse qui ne maîtrise pas ses membres. Et là, on pense à Ray Charles qui disait "Je suis aveugle, mais on trouve toujours plus malheureux que soi... J'aurais pu être noir."
Le spectacle se poursuit avec des petites apartés plus terre-à-terre, comme la diffusion de spots de publicité, qui montre à quel point les handicapés ne rentrent pas dans les cibles marketing, sont exclus du discours dominant. Dans la famille parfaite, l'ami du petit déjeuner arrive sur ses deux jambes et non en roulant.
Florence Meregalli trouve un juste équilibre, dans sa chorégraphie, entre danse et interludes comiques, entre émotion, beauté et prise de conscience de la situation de handicap.
"Situations" est donc à plusieurs titres un spectacle à voir. D'abord il traite du handicap et des handicapés sans pathos mais avec humour. Il montre des figures absolument inattendues en danse, étonnantes, du fait de l'utilisation d'abord d'un fauteuil roulant, mais bientôt de quatre fauteuils sur scène. Les danseuses augmentent même la difficulté en dansant "à l'aveugle", un bandeau sur les yeux.
Une manière forte et originale de traiter des difficultés des handicapés au quotidien, sans "condescendanse" pourrait-on dire. "Sauf les muets, ça va de soi". |