Alors que l’exposition "Fashion Mix" vient de s’achever avec 90 000 visiteurs au compteur, le Musée de l’Histoire de l’Immigration présente en entrée libre des "Perruques" de l’artiste béninois Meschac Gaba, qui vit et travaille aux Pays-Bas et au Bénin.
Réalisée par Isabelle Renard, responsable des collections d’art contemporain du musée, l’installation donne à voir dans l’espace du Forum du Palais de la Porte Dorée, accompagnées de deux vidéos, deux oeuvres acquises par le musée en 2012 ainsi que douze autres prêtées par la Galerie In Situ-Fabienne Leclerc, représentant en France l’artiste.
La "Perruque" de Meschac Gaba : une "maison qui prolonge la tête"
L’idée de ces "Perruques" s’est imposée à Meschac Gaba lors d’une résidence à New York, en 2004. Comme le visiteur peut le lire sur le panneau explicatif, l’artiste se sentait "minuscule à côté de ces énormes gratte-ciel". Ainsi sont nées les Perruques-architectures, inspirées de bâtiments imposants comme, à Paris, la Tour Montparnasse, Notre-Dame ou la Géode.
Ces sculptures tressées en cheveux synthétiques sont pour lui "une maison qui prolonge la tête". Meschac Gaba a décliné ce concept avec des postiches inspirés de personnages célèbres. L’un est dédié à Garrett Morgan, l’inventeur des signaux de circulation ; un autre aux frères Wright, pionniers américains de l'aviation, un autre encore au mathématicien Pythagore.
Les coiffes extravagantes ne sont certes pas nouvelles. Des échafaudages monumentaux de la reine Marie-Antoinette ornés de bibelots, oiseaux, fleurs ou légumes au chapeau-chaussure de Schiaparelli créé en 1937 et exposé dans le cadre de "Fashion Mix", les artisans et artistes ont de tout temps réinventé l’art capillaire et créé des couvre-chefs pour flatter les coquettes et explorer, malicieux, de nouveaux territoires.
Meschac Gaba reprend à son compte cette tradition pour, d’une part, raconter son histoire d’artiste béninois débarqué dans la grande ville américaine. Ce qui frappe avec les Perruques-architectures, c’est le renversement d’échelle : les bâtiments écrasant l’homme perdu au beau milieu de la jungle new-yorkaise rapetissent soudain et se font protecteurs.
A travers ces œuvres, l’artiste s’approprie la ville et la fond dans son imaginaire, les monuments et les hommes célèbres n’étant pas immédiatement identifiables. D'autre part, en fusionnant
des emblèmes occidentaux avec la coiffure africaine traditionnelle, l’artiste matérialise le va-et-vient entre les cultures et questionne les identités nationales.
C’est une manière, enfin, d’explorer les relations post-coloniales puisque le Bénin, dont il est originaire, est une ancienne colonie française. Cet aspect est d’autant plus marquant que l’actuel Forum était jadis la Salle des fêtes du Musée des colonies fondé pour l'Exposition coloniale de 1931. Cet espace de 900 m2 servait alors de lieu de célébration de la politique d’expansion française.
Regroupées sur une scène au fond de cette vaste salle, les "Perruques" de Meschac Gaba, qui se détachent sur des fresques exaltant le rayonnement de la France dans le monde, semblent quelque peu perdues. Deux vidéos latérales, l’une réalisée à Cotonou en 2010, l’autre à Paris en 2013 pour la FIAC, viennent animer l'installation. Le visiteur y voit les coiffes portées par des hommes et des femmes déambulant en groupe dans les rues de la capitale économique du Bénin ou entrant dans le Grand Palais, à Paris.
Les sculptures tressées de Meschac Gaba incarnent parfaitement une Afrique contemporaine, métissée et voyageuse. |