Réalisé par Bernhard Braunstein. France. Documentaire. 1h10 (Sortie le 7 février 2018).
Voilà un tout petit film-prétexte qui fait un bien fou, qui, à l'aide d'un dispositif ultra-simple, redonnera un peu d'optimisme à ceux qui en manquent cruellement en ces temps moroses et hivernaux.
Le scénario d'"Atelier de conversation" de Bernhard Braunstein se résume en effet en énonçant son titre. On va suivre pendant 70 minutes quelques dizaines de locuteurs non francophones qui se réunissent dans un seul et unique but : améliorer leur français.
Axé sur les personnages, filmés en général en gros plan, le film ne se dévoile qu'au fur et à mesure : ainsi, on apprendra tardivement que l'action se passe au Centre Pompidou, à Paris, dans une salle de la BPI (Bibliothèque Publique d'Information).
Chaque séance de conversation réunit dix à douze participants autour d'un animateur qui a pour fonction principale de permettre aux uns et aux autres de se sentir à l'aise dans le groupe, même si leur niveau de français est encore balbutiant. Eventuellement, Il est aussi là pour déminer les polémiques inutiles mais possibles tant les intervenants sont divers.
On y découvrira des Irakiens, des Afghans, des Syriens, dont un certain nombre sont là pour améliorer leur français quand ils seront interrogés en vue d'obtenir le statut de réfugié ou le droit de prolonger leur séjour en France.
On y trouvera aussi des Anglais ou des Américains baignant à Paris dans un milieu anglo-saxon et ne parlant jamais la langue locale. On signalera également la présence d'étudiantes chinoises ou japonaises, seules à Paris, et pouvant lors de ses ateliers de conversation briser le mur de leur trop grande solitude, qui leur pèse tellement qu'on en verra plus d'une les larmes aux yeux en l'évoquant...
Dans "Atelier de conversation" de Bernhard Braunstein, tout est possible pendant ses séances qui ont l'air passionnantes à suivre : moments drôles, émouvants ; incidents vite calmés par les animateurs.
On suit ces bouts de dialogues avec beaucoup d'empathie pour ces gens qui veulent entrer dans une autre langue que la leur et l'on se souvient que, jadis, depuis Ernest Renan jusqu' aux lois Sarkozy et Valls, épouser la langue française suffisait à épouser la France.
La caméra est d'autant plus bienveillante que le réalisateur, autrichien de nationalité, a participé lui-même à cet expérience quand il s'est installé à Paris. En les voyant, on se pose des questions bizarres : quel destin a conduit cette Bolivienne, d'origine indienne, dont le quechua est la langue française jusqu'au Centre Pompidou ? Ce Turc qui fut juge dans son pays, pourquoi est-il là en compagnie de Kurdes ou d'Irakiens à qui il aurait peut-être signifié des condamnations dans son pays ?
"Atelier de conversation" de Bernhard Braunstein donne l'impression que la France est encore la Babel tolérante et accueillante de la légende.
Le film tranche fortement avec des films qui sortent à peu près en même temps que lui, comme "Human Flow" d'Ai Weï Weï, artiste chinois devenu tête d'affiche de l'art moderne, qui a filmé tous les réfugiés du monde tout autour de la planète et qui montre des séquences assez rudes, parmi lesquelles celles de "La Jungle de Calais" apparaissent comme les plus insupportables.
Bien loin donc des plaisirs de la conversation montrés en exemple par Bernhard Braustein comme la preuve que les hommes peuvent vivre en harmonie, derrière la bannière de la fraternité.
On aimerait que la vérité française soit plus près de celle de cet "Atelier de conversation" que des centres d'hébergement filmés par Stan et Édouard Zambeaux dans "Un jour, ça ira" (qui sortira le 14 février 2018) et l'on se souviendra longtemps de ce beau moment de fraternité et de partage qu'il propose. |