"Il y a des noms qui échappent au cyclone de l’indifférence, à l’ogre de l’actualité : le nom de Nadia Boulanger en est le type car il se place à un point de noblesse qui le rend invisible au médiocre" Jean Cocteau

"En ces heures où l’évidence de l’égalité homme / femme peine encore à s’imposer, il nous paraît nécessaire et heureux que des interprètes masculins rendent hommage à deux des plus grandes compositrices de notre répertoire. Car comme dit le poète : "l’avenir de l’homme est la femme"". Cyrille Dubois & Tristan Raës

Si un duo piano voix affectionne et maîtrise le répertoire de Lili et Nadia Boulanger, on peut dire que c’est celui composé par le ténor Cyrille Dubois et le pianiste Tristan Raës. Pour eux : "la création du duo est indissociable de la découverte de Lili et Nadia Boulanger, à l’occasion du concours éponyme, voilà plus de dix ans aujourd’hui" et en 2015, ils enregistraient pour le label Hortus le cycle Clairières dans le ciel, composé par Lili Boulanger durant son séjour à la villa Médicis, au printemps 1914.

Nadia Boulanger (1887-1979) fut une musicienne interprète (orgue et piano, et une des premières femmes à faire de la direction d’orchestre), compositrice exceptionnelle. Professeure intransigeante et exigeante avec une très forte personnalité, elle fut l’une des pédagogues les plus respectées de son temps recevant des générations de musiciens comme Leonard Bernstein, Pierre Henry, Michel Legrand, Aaron Copland, Philip Glass, Elliot Carter, Astor Piazzolla, Walter Piston, Roger Boutry, Jean Françaix, lalo Schifrin, Pierre Schaeffer...

Mais parler de Nadia Boulanger, c’est également parler de sa sœur, Lili. Lili (1893-1918) qui manifeste très tôt des dons musicaux, notamment de composition. Elle sera la première femme à obtenir, à 19 ans, avec sa cantate "Faust et Hélène", le Grand Prix de Rome. Un bouleversement ! Par malheur, Lili, de 6 ans plus jeune que Nadia est de santé très fragile. Elle décède le 15 mars 1918. Dix jours avant Claude Debussy...

La disparition de sa sœur définira pour Nadia un chemin de vie. Elle travaillera à la reconnaissance de l’œuvre de sa sœur, cessant presque de composer et se consacrant à la direction d’orchestre et à la pédagogie.

La musique des sœurs Boulanger peut se caractériser par un style très français du début du siècle, influencée par Gabriel Fauré ou Debussy. Mais il ne faut en aucun cas les réduire à ses influences. Leur musique, avec une écriture remarquablement subtile, est portée par des personnalités, surtout pour Lili avec un esprit peut être plus précurseur encore, harmoniques, modales et mélodiques fortes.

L’interprétation, entre sensibilité et intensité, que cela soit celle de Cyrille Dubois ou de Tristan Raës est d’une grande force. Éblouissante même dans les quatre chants de Lili Boulanger ou dans Les Heures claires, composées par Nadia Boulanger et Raoul Pugno.

Un disque encore plus admirable que celui sur Liszt, c’est dire !