Voilà un ouvrage d’un auteur que je n’ai jamais lu mais dont j’ai entendu beaucoup de bien. En apprenant ses origines indiennes et en voyant que son ouvrage parlait de Ceylan, pays que j’ai visité et beaucoup aimé, je ne pouvais pas passer à côté de cet ouvrage, Amnistie, à la couverture originale et intrigante.
Aravind Adiga est né à Madras en 1974. Élevé en Australie, diplômé d’Oxford et de Columbia, ancien collaborateur du Times et du Financial Times, il fait une entrée fracassante en littérature avec Le Tigre blanc (Booker Prize 2008), roman magistral dans lequel il livre un portrait à l’acide de son pays natal et dévoile l’envers du miracle économique indien. Amnistie annonce le retour tant attendu du "félin des lettres indiennes".
Parce que la police l’accusait à tort d’être membre des Tigres tamouls, Danny – Dhananjaya Rajaratnam – a fui le Sri Lanka pour trouver refuge en Australie. Là-bas, il espère le statut de demandeur d’asile. Mais sa requête est rejetée. Depuis quatre ans, il vit sans papiers, tente de s’insérer en rasant les murs, fait des ménages dans un quartier résidentiel de Sydney.
Un matin, Danny apprend le meurtre d’une de ses employeuses. Lorsqu’il s’aperçoit qu’il détient un indice sur le crime – un indice qui permettrait d’arrêter le coupable –, Danny se trouve confronté à un dilemme. Doit-il parler à la justice, au risque d’être expulsé?? Ou se taire, et laisser un meurtrier s’enfuir??
Au même titre qu’il existe les intouchables en Inde, l’ouvrage d’Adiga nous parle des invisibles que l’on trouve dans les sociétés occidentales. Ces gens qui n’ont eu d’autre choix que celui de quitter leur pays pour aller s’installer dans ce qu’il considère être un eldorado, qui pourtant ne les reconnaît pas et refuse même leurs demandes d’asile.
Ici Danny se retrouve face à un dilemme, aider la police à retrouver un meurtrier au risque de se faire expulser vue sa situation irrégulière sur le sol australien. On va le suivre au cours d’une seule journée, minutée dans l’ouvrage face à ce dilemme. Cela va nous permettre d’appréhender la société australienne, faite de culture et d’ethnies différentes qui exclut autant qu’elle inclut, qui crée des hiérarchies peu supportables. Il nous permet évidemment d’appréhender au plus près la précarité de ces invisibles et nous fait beaucoup réfléchir sur tous ces problèmes.
On peut dire que cet ouvrage est d’une grande intelligence, superbement construit, qu’il porte très bien son titre et qu’il manie très bien l’ironie. Très plaisant à lire, il fait de l’auteur un observateur parfait de nos sociétés qui ont tendance à oublier toute morale, se refermant sur elles-mêmes, oubliant toutes formes de solidarités humaines.
Après Le Tigre blanc, chronique de l’Inde des bas-fonds, Adiga s’attaque donc à la face cachée de Sydney?: celle des invisibles, des travailleurs sans-papiers qui chaque jour balaient nos rues et nettoient nos appartements sans laisser de trace. Perdu dans un enfer administratif, Danny embarque dans une véritable odyssée du doute?; tour à tour courageux, cynique ou résigné, il tourne en rond, revient sur ses pas, prend des décisions et les abandonne immédiatement. Avec Amnistie, Aravind Adiga signe un conte moral grinçant, qui questionne notre rapport aux frontières et à ceux qui les dépassent. |