"Nouvelles d'Ecosse", titre à double sens pour cette traduction française du recueil de nouvelles de l'écrivain écossaise Laura Hird paru en 2006 : la nouvelle au sens du genre littéraire et les nouvelles au sens d'information.
Et quelles sont les nouvelles d'Ecosse ?
Laura Hird, connue comme une des figures de la contre culture écossaise, y dissèque la société urbaine contemporaine de manière kaléidoscopique en multipliant les points de vue à travers onze récits qui sont autant de contes noirs.
Usant d'un réalisme cru et prosaïque, elle délivre des fragments d'humanité à la dérive avec des personnages borderline et des moments de vie singuliers d'hommes et de femmes ordinaires de tout âge laminés dans une société postmoderne caractérisée par la perte des repères, la dilution des valeurs et une violence endémique qui, ajoutées au désespoir et à la solitude profonde inhérents à la condition humaine et à l'atavisme du caractère écossais, à l'image de la rudesse du pays, forment un cocktail détonnant tout autant implosif qu'explosif.
Si, pour le lecteur français, l'opus peut évoquer celui le no future-destroy de Virginie Despentes à ses débuts, voir son recueil de nouvelles "Mordre au travers" paru en 1999,
la thématique et le style de Laura Hird s'inscrivent dans la tradition du réalisme anglo-saxon et plus précisément dans le sillage du réalisme brut et brutal des années 90 pratiqué par les îliens d'outre-Manche, et notamment les Ecossais et les Irlandais, tant en littérature qu'au théâtre et au cinéma, dont ses compatriotes tels Irvine Wels, Alan Warner et Iain Banks.
Malgré le profil du plébéien loser patenté des personnages dont elle révèle, sans complaisance, le caractère profond à l'occasion d'un événement qui sera peut-être cathartique, Laura Hird refuse le déterminisme irrémédiable.
A l'image du titre original du recueil, "Hope" qui est aussi celui de la première nouvelle, elle
laisse la porte entrouverte.
Oh, légèrement,
il ne s'agit ni d'angélisme ni d'une croyance béate en la rédemption, encore que le background judéo-chrétien n'en soit pas totalement absent, mais d'une réelle compassion humaniste pour des personnes aux prises avec la poisse, la normalité, l'innocence perdue, le désespoir, qui usent principalement du sexe, non pas tant pour satisfaire une pulsion vitale, voire un instinct bestial, même si tel est souvent le cas, ou obtenir du plaisir mais comme une manière de survivre et un moyen de potentielle résilience.
Avec cette littérature "in-yer-face", un style fluide dans lequel les caractères sont parfaitement cernés et les dialogues vifs et incisifs non exempts d'humour, une écriture calquée sur la langue populaire, mêlant cynisme et empathie et un véritable sens dramaturgique, Laura Hird
débite des tranches de vie bien saignantes qui éclaboussent et laissent une sacrée empreinte.
Comme l'écrit Heidi James, signataire de la préface : "... aucun de nous n'échappe aux fers de notre humanité trouble et grotesque, de nos désirs étranges et secrets, et ce faisant elle permet au lecteur de remettre en question le sens même de cette humanité".
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