Ce n’est pas parce qu’il a une particule qu’il ne peut pas se mêler aux citoyens. Jacques de Saint Victor est historien du droit et des idées politiques. Une position idéale pour prendre du recul sur la médiatique-politique actuelle. Ce qu’il a fait dans d’autres ouvrages et continue de faire pour nous aider à comprendre (et à avoir un avis argumenté !).
Une tendance se montre depuis quelques temps : le rejet de la politique telle qu’elle est conçue depuis Louis XVI le Raccourci, Jacques de Saint Victor nous la présente dans Les antipolitiques. D’un austère format poche estampillé "essai", vous trouverez une analyse lucide de ce qu’il se passe en France, mais également à l’étranger, et c’est à mon avis malin de considérer que l’ampleur du changement est plus vaste que les frontières du vieil hexagone.
Le constat d’abord : l’avènement de personnages tels Beppe Grillo, qui possède tout de même un tiers des députés au Parlement italien (même précurseur du comique-politicien, Coluche n’était pas allé aussi loin, parce que trop précurseur ?). Le personnage propose une politique cybernétique et directe, où les citoyens pourraient échanger directement avec les hautes instances et tout ça en passant par le Net.
La graine de la méfiance est à l’origine de ce nouveau "style" de politique. Après la crise des subprimes, celle où le citoyen s’est (entre autre) rendu compte que son labeur servait essentiellement à la spéculation, et que d’autres que lui misaient ses économies dans un Monopoly où tout s’est finalement cassé la pipe en quelques minutes.
Le peuple est devenu défiant envers son pouvoir, la démocratie s’est retrouvée compromise par une succession de mauvais choix et d’à peu près. A vouloir contenter tout le monde, on s’est retrouvé à ne plus rien faire du tout. Pénible de devoir faire des sacrifices pour des technocrates qui ne sont plus exemplaires. La chasse aux sorcières dans les sphères politiques n’a pas vraiment rassuré les citoyens.
Les hackers Anonymous émergent, le Web est devenu la place publique dans votre salon. Les réseaux sociaux sont devenus le socialisme, mais l’illusion d’échanges d’informations a également nourri l’espionnage moderne. Les réseaux sociaux ne sont pas neutres du tout, ils stockent les données qu’ils diffusent. Big Brother n’est pas loin.
Osons écrire qu’en France, celui qui dénonce est une balance, aux Etats-Unis, c’est un héros. Nous n’avons pas de Julian Assange ou d’Edward Snowden, les héros lanceurs d’alerte. Mais le résultat est le même : méfiance, méfiance. A trop exiger de transparence, nous avons brisé le lien de confiance dans les dirigeants et les preneurs de décision.
Mais alors, que faire ? Exiger le secret-défense ? Nous avons tout bonnement confondu vérité et transparence dirait Kant, en ajoutant la variable de la loyauté, le mensonge est parfois nécessaire. Donc les citoyens se tournent vers leurs cafés-philos modernes : les forums et tweet sociaux. Sauf que la société prérévolutionnaire était un brin moins égoïste que celle dans laquelle nous évoluons.
Le Net forme un genre de grand abrutissement collectif, les cafés-philos du Net ne favorisent pas vraiment le brassage social ni un réel échange d’idées, il rendrait plutôt les conciliabules hystériques "Dans les foules, c’est la bêtise et non l’esprit qui s’accumule", la pensée régresse donc et les débats sont complètement stériles.
Conclusion : le Web reste un espace virtuel, un outil de communication, une technique de rassemblement, mais il ne peut pas faire de la politique (à part peut-être pour la démonter, mais les solutions de reconstruction ne sortiront que d’esprits éclairés, pas de la technologie, on se croirait revenu au siècle des Lumières). |