Margaux Chouraqui est une journaliste, diplomée de King’s College London et de sciences Po Paris. Elle a participé pour l’observatoire des radicalisations à une étude sur la propagande jihadiste francophone. Elle vient de sortir le mois dernier, La mythologie Daech, un livre qui décortique la propagande de Daech.

Pour l’auteur, "dans l’imaginaire collectif, la propagande de Daech renvoie d’une part à sa brutalité, comme avec la décapitation d’un otage américain, et d’autre part aux codes hollywoodiens empruntés par l’organisation Etat islamique pour magnificier l’horreur. Souvent l’analyse s’arrête là. Sauf que la communication de Daech est beaucoup plus pernicieuse car elle se joue de nos faiblesses, de nos erreurs, de nos mensonges et de notre communication".

Dans son livre, Margaux Chouraqui commence par nous présenter ce qu’elle appelle le djihad médiatique, à savoir l’ensemble des moyens de communications utilisés par une organisation djihadiste pour menacer et terroriser l’ennemi. Pour elle, l’état islamique est un virus mutant d’Al-Qaïda qui a su parfaitement tirer les leçons de ses échecs. Daech n’a pas fait de son chef Al Baghdadi la star de sa propagande, il a préféré mettre en avant ses combattants venus des quatre coins du monde formant la "Daech academy". Ce djihad médiatique prend sa source en Afghanistan au moment de la guerre contre les russes dans les années 80, il fait ensuite sa première révolution avec les premiers attentats contre les ennemis lointains, symbolisés par les attentats du onze septembre puis ceux qui suivront en Europe. Il se confirme ensuite avec l’invasion américaine en Irak qui va donner naissance à Daech.

Daech va lors effectuer une révolution médiatique en mettant en place une véritable machine médiatique : création d’un empire de presse avec une vingtaine de revue, des productions vidéo et radiophoniques, des productions de rap. Leurs productions vidéo sont parfaitement maîtrisées, réalisées par des professionnels. Daech reprend aussi les codes du jeu vidéo dans sa propagande. La plupart des chefs propagandistes sont des occidentaux.

Lors de la mise en place du califat, la propagande est encore et toujours de mise, avec l’objectif d’imposer un nouvel ordre mondial. Des ennemis sont ciblés, d’abord des ennemis musulmans en Syrie et Irak puis la coalition internationale. La terreur se met en place, lui garantissant une notoriété mondiale. Daech n’a plus alors qu’à développer une propagande d’Etat classique. On nous présente alors un véritable Eldorado, avec ses administrations, ses tribunaux, ses écoles, ses marchés garnis, tout ça pour attirer les musulmans du monde entier. Le califat devient alors un nouveau produit marketing.

Les djihadistes occidentaux affluent à partir de 2012, l’auteur nous dévoile leurs motivations et leur soif médiatique, le djihad se fait en famille avec l’homme, la femme et les lionceaux ! Des attentats se préparent et Daech va connaître son jour de gloire le 13 novembre comme Al-Quaïda avait connu le sien le 11 septembre. Les attentats vont ensuite se multiplier, Daech utilisant son armée de martyrs. La terreur devient un spectacle et Daech va même jusqu’à constituer une iconographie post-attentats qui est l’objet d’un excellent chapitre dans le livre.

La mythologie Daech est livre très intéressant qui nous fait beaucoup réfléchir. Margaux Chouraqui nous montre parfaitement que si Daech a perdu la bataille sur le terrain, les armes ne suffiront pas pour enterrer la doctrine djihadiste car les médias de l’Etat islamique ont forgé un mythe et se livre à une bataille d’un autre ordre : une bataille culturelle.