Ce ne sera pas faire offense à Astrid Adverbe de dire que son patronyme, pourtant bien identifiable, n'était pas sur toutes les lèvres avant cette rétrospective que lui consacre, après le Festival Côté Court de Pantin, le cinéma Saint-André-des-Arts.
Astrid Adverbe ! Quel nom imparable ! Si imparable qu'il faut tout de suite révéler qu'il s'agit d'un pseudonyme. Les spectateurs qui iront voir "Me damné" connaîtront très vite le vrai nom d'Astrid, qui lui allait très bien aussi, mais qui était davantage seyant pour un héros de cape et d'épée dans la lignée de Cyrano et d'Artagnan.
En tout cas, de ces deux fameux bretteurs, Astrid a l'audace. Pleine d'aplomb et de détermination, elle questionne et se questionne : d'où vient-elle ? Qu'est-ce qui la détermine ? Comment les autres la perçoivent-ils?
Toujours aux aguets, toujours sur la route, on pourrait résumer sa démarche selon la formule lelouchienne "Partir, revenir" : partir en Camargue dans "Prendre l'air", en quête de ses racines familiales dans "Le Temps qu'il fait" ; revenir à Paris dans "Le Temps qu'il fait" et sur une amitié perdue dans "Ma fleur maladive".
Si "Le temps qu'il fait" (1999), peut-être considéré comme un galop d'essai juvénile dans lequel on a plaisir à retrouver Lou Castel et Marie Rivière dans un Paris d'avant le portable et les bobos, et dans lequel Astrid est un ludion dynamique, pleine d'entrain malgré le peu d'entrain des autres à son égard, on prendra plus au sérieux le second film de Nicolas Leclère, "Prendre l'air" (2009), dans lequel Astrid fuit Saint-Anne pour se jeter dans une folie plus radicale : celle des hommes prêts à tout par amour.
Il y aura celui qui l'aide à s'évader, celui qui aura pris la soutane par dépit amoureux et, enfin, celui prêt à l'accompagner dans ses vagabondages.
"Prendre l'air" est une proposition sensible où l'on sent que Nicolas Leclère et son égérie s'approchent de leur film idéal.
Dans les films de Nicolas Leclère, elle est une femme alerte à la recherche d'elle-même. Dans ses propres films, elle est à l'écoute des autres, plus fragile, plus tentée par les larmes que par le rire.
Ainsi Astrid se dévoile dans "Mé damné-Que Dieu me damne" (2007), film touchant où elle approfondit sa relation avec son vieil oncle, qu'elle a connu tardivement parce qu'il était le "rebelle" de sa famille.
Militant PSU, très tôt en rupture avec ses origines aristocratiques, l'oncle François n'a pas suivi le chemin de son père, un temps ministre de l'État Français.
On imagine qu'avant de fréquenter ce personnage iconoclaste, rigoureux dans ses choix de vie et rayonnant d'humanité, sa nièce, actrice et cinéaste, avait bien du mal à se coltiner avec l'héritage pétainiste de son grand-père et à comprendre son propre père solidaire, plus par conformisme que par conviction, avec les autres membres réactionnaires de sa fratrie.
Dans "Ma fleur maladive" (2013), c'est sur elle-même qu'Astrid se penche. Dans cet essai très original, elle tente de comprendre pourquoi Laetitia, qu'elle considérait comme sa meilleure amie, a rompu les amarres avec elle il y a une dizaine d'années. Du coup, elle interroge ses autres amies pour enfin comprendre ce qui s'est passé.
Quand elles papotent, Astrid et ses copines ne sont pas loin des héroïnes d'Éric Rohmer et l'on aurait presque envie de la définir ainsi : "Astrid Adverbe, une vomérienne qui n'a pas connu Rohmer". Sans douter faudrait-il l'interroger pour savoir pourquoi la rencontre n'a pas eu lieu ou, si elle a eu lieu - on le pressent - elle n'a pas débouché sur une collaboration.
On espère surtout qu'il y aura d'autres "Ma fleur maladive" et qu'Astrid approfondira ce cinéma de l'intime dans lequel elle rassemble déjà avec bonheur les éléments de son puzzle personnel éparpillés dans les trois autres films présentés.
On encourage donc Astrid Adverbe à vaincre l'adversité et à poursuivre vaillamment sa route cinématographique qui devrait cesser d'être chaotique et toucher bientôt un plus large public. |