Comédie dramatique écrite et mise en scène par Fabio Alessandrini, avec Yann Collette et Fabio Alessandrini.
Forcément, quand un personnage et un auteur se rencontrent, il y a du Pirandello dans l'air. Dans "Monsieur Kaïros", il y a surtout, une fois passée la surprise du personnage et l'incompréhension de l'auteur, beaucoup de subtilité et pas de quoi en faire un drame.
On est à l'heure de "l'ordinauteur", celle des mots et les idées que l'on peut modifier en un clic, et dans un monde où le fantastique est technologique.
Pour l'auteur, interprété par l'auteur de la pièce, l'irruption du héros de son roman n'est peut-être pas un hasard. Sous l'effet de la fatigue, du café trop fort, qui dit qu'il n'y a pas dans sa machine à bien ou mal traitée les textes une fonction "matérialiser les personnages" ?
La force de la pièce de Fabio Alessandrini est dans son refus de se laisser rattraper par la métaphysique de la situation. Heureusement pour lui, il n'est pas Eric-Emmanuel Schmitt, et il est donc nullement tenté d'en profiter pour transformer "Monsieur Kaïros" en un exercice philosophique pour lycéens qui cherche plus à briller qu'à s'insérer dans une forme vraiment théâtral.
Ici, les échanges entre Fabio Alessandrini et Yann Collette sont vifs et concrets, d'autant que le personnage du personnage est un médecin de terrain, pratiquant la chirurgie sans fioriture dans le bourbier afghan. Yann Collette en a fait un homme sans épanchements narcissiques. Ce qu'il veut de son créateur, c'est avant tout qu'il lui fasse vivre des choses moins traumatisantes et qu'il ait pour lui plus de considération.
Mais, peu à peu, une fois intégrée la singularité de cette nuit particulière, le romancier reprend légèrement le dessus. Il a les atouts des cartes dans ses mains et il ne va pas sans priver.
Fabio Alessandrini a écrit une variation pirandellienne très réussie et a convoqué Yann Collette dans un échange de belle facture, où les deux hommes, au physique voisin, sont en connivence et n'ont pas besoin d'élever la voix ni d'exagérer l'incongruité du point de départ.
Le spectateur est convié à partager leur moment d'intimité inattendu et sait, très vite, qu'il a sa place dans ce beau moment théâtral qui n'a pour prétention que de le convier au vrai plaisir des mots. |