Le Musée Maillol accueille, en provenance directe du Musée de La Boverie de Liège où elle s'est tenue jusqu'au 19 février 2017, une exposition au titre elliptique - "21 rue La Boétie - Picasso, Matisse, Braque, Léger..." - qui, énigmatique pour les néophyte, correspond à une adresse parisienne mythique dans le monde de l'art de l'entre-deux guerres du 20ème siècle.
En effet, en ce lieu se tenait le domicile-galerie du très influent marchand d'art, collectionneur avisé et redoutable homme d'affaires Paul Rosenberg.
Le caractère inédit de cette monstration ne tient pas au fait qu'elle soit consacrée à un marchand d'art, puisque précédée des expositions "De Cézanne à Picasso, chefs d'oeuvre de la galerie Vollard" au Musée d'Orsay en 2007 et "Paul Durand-Ruel - Le pari de l'impressionnisme" au Musée du Luxembourg en 2014, mais à la scénarisation d'un livre.
En effet, le concepteur de l'exposition, la société belge spécialisée dans l'événementiel Tempora, a procédé, à partir d'une soixantaine d'oeuvres dont des chefs-d’œuvre, à la transposition muséale du livre éponyme de la très médiatique et médiatisée journaliste Anne Sinclair.
21 rue La Boétie, un homme et des artistes dans la tourmente de l'Histoire
Ce livre paru en 201, suite à l'affaire de moeurs dans laquelle était impliqué son mari de l'époque et qui avait également défrayé la chronique par les insertions polémiques relatives à la fortune dont elle avait héritée en sa qualité de petite-fille de Paul Rosenberg, en retrace le parcours, de l'âge d'or parisien puis américain à la spoliation de ses biens par le régime nazi et, après la Libération, les procédures de recherche et de récupération des oeuvres.
La monstration sous-titrée "Manifeste" se déroule de manière chronologique dans le cadre d'une mise en résonance illustrée d'une histoire personnelle avec l'histoire de l'Art et l'Histoire illustrée et opère en double focale.
D'une part, elle s'avère hagiographique par son hommage envers un acteur majeur de l'art moderne.
Entre photos d'archives de la galerie de Paul Rosenberg et des portraits de famille (l'épouse de Paul Rosenberg et sa fille par Picasso et Anne Sinclair enfant par Marie Laurencin), sont présentes les "têtes de gondole" de l'art moderne qui en constituait le fonds privilégié.
Au fil des salles, le visiteur découvre Picasso ("Baigneurs et Baigneuses"), René Matisse ("La leçon de piano") qui voisine avec André Masson ("L'enlèvement", "Les chevaux attaqués par des poissons") et Marie Laurencin ("Les deux Espagnoles", "La répétition").
Et puis le cubisme avec des toiles de Fernand Léger dont le sublime "Trois femmes" figurant en partie sur l'affiche de l'exposition et la rivalité artistique de Braque ("Le Duo","Nu couché") et Picasso ("Pichet à la coupe de fruits", "Nature morte à la tête antique", "Guitare et compotier").
D'autre part, l'exposition opère de manière didactique et mémorielle au regard des exactions du Troisième Reich, non seulement par le pillage des musées et galeries français et la spoliation des biens juifs pendant l'Occupation, mais par son entreprise de "purification de l'art".
Elle en détaille les deux volets : la condamnation, et l'éradication, de l'art moderne, érigé en" art dégénéré", et des oeuvres des artistes d'origine juive, qui a l'objet de l’exposition "Entartete Kunst" à Munich en juillet 1937, et la promotion d'un art d'Etat au service de l'idéologie nationale socialiste.
Ainsi sont présentées quelques oeuvres édifiantes représentatives de "l'art allemand" (Paul Junghans "Matin d'été" - Gilbert Palmié "Bénédiction du Nord") exaltant l'attachement à la terre, avec paysans magnifiés et soldats héroïques, et à l'histoire du Volk allemand qui figuraient à la "Grande exposition de l'art allemand" de 1937.
Enfin, une section est consacrée au combat pour la restitution des biens avec notamment l'itinéraire d'un tableau volé, "Le portrait bleu devant la cheminée" de Matisse.
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