C’est aussi la rentrée pour les éditions La Croisée qui ont pris l’habitude de nous faire voyager autour d’auteurs venant des quatre coins du monde avec très souvent des premiers romans. C’est le cas en ce mois de janvier avec un ouvrage écrit par Ruchika Tomar, une américaine qui a étudié la littérature à l’université de Californie et de Columbia. Avec Prière pour les voyageurs, elle nous propose un ouvrage qui n’est pas sans nous rappeler ceux écrits par Laura Kasischke et Craig Johnson. Cet ouvrage a été très remarqué par la presse et les lecteurs américains, on comprend vite pourquoi en le lisant.

Cale, serveuse dans le diner d’une bourgade du Nevada, se lie d’amitié avec Pénélope, ancienne fille populaire de son lycée, prête à tout pour quitter la ville. Alors que toutes deux rêvent d’une vie meilleure, loin des routiers, des sex-clubs et des rumeurs, Pénélope disparaît. Face à l’indifférence de tous, Cale se lance à sa recherche. Mais la vie d’une femme vaut bien peu dans le désert.

C’est le roman des laissés pour compte, des gens qui ne valent rien que nous raconte l’auteure dans un décor brutal, celui des plaines de l’Ouest américain et du désert. Roman des grands espaces aussi, que l’on retrouve beaucoup dans la littérature américaine.

Mais c’est aussi et surtout le roman d’une disparition, celle de Pénélope qui pourrait passer totalement inaperçue au milieu de l’immensité du territoire où l’ouvrage se déroule. Sauf que Cale ne l’oublie pas, sûrement car elle sait ce qu’est la solitude, elle qui est orpheline avec pour seule famille un grand-père rustre qui ne connaît pas la tendresse.

J’ai pensé à des lectures de David Joy en lisant cet ouvrage, qui traite de la pauvreté, des territoires perdus et isolés et de cette Amérique abandonnée. Mais en même temps, l’ouvrage se distingue par une construction particulière avec des chapitres numérotés dans un ordre aléatoire comme si le temps de la narration n’avait pas de suite. L’ouvrage débute par le chapitre 31, se termine par le chapitre 76 quand le chapitre 1, en milieu de livre repose sur une seule phrase disant "Laissez moi vous parler des gens du désert".

Cela donne une lecture vraiment originale, déstabilisante parfois sans pour autant perdre le lecteur qui réussira à relier les faits, les conséquences et les causes au fil de sa lecture désordonnée. Cette narration habile restitue avec brio la brutalité des plaines et de ses habitants et rend hommage à la ténacité des femmes. Belle découverte donc, celle d’un auteure en devenir, sans aucun doute.