Monologue dramatique de Michael Stampe interprété par Jérôme Pradon dans une mise en scène de Christophe Lidon.
Sans doute plus connu pour ses prestations dans le domaine du théâtre musical, Jérôme Pradon se révèle, sous la direction très tenue de Christophe Lidon qui exclut tout effet, comme un remarquable comédien, qui plus est dans le difficile exercice du seul en scène, avec "F-X" un monologue dramatique de Michael Stampe.
Dans le dépouillement presque monacal d'un appartement réduit à un simple volume transformé en studio photographique conçu par Catherine Bluwal et habillé par un très beau travail de lumières de Marie-Hélène Pinon qui joue sur la puissance évocatrice et sensuelle du clair-osbcur et le crépitement violent du flash de studio qui rythme les soliloques, il réalise une prestation toujours au fil du rasoir d'une écriture radicale qui creuse à vif dans la chair d'un homme qui crève de solitude et de manque d'amour.
Dans son appartement d'Ivry ouvert sur le fleuve et sur le ciel et dans mais dans lequel le monde ne pénètre jamais, un homme homosexuel s'adonne chaque soir à la même pratique singulière, érigée en rituel cathartique, qui consiste à réaliser, avec un cérémonial obsessionnel et en dehors de tout regard, de tout témoin, des autoportraits photographiques de son corps nu, tout en évitant le visage, son regard.
Des photos qui s'inscrivent dans un autre registre que celui de la pornographie gay ou de l'exhibitionnisme pervers, qu'il veut artistiques, dans une constante recherche de perfection esthétique, aspirant à la puissance sculpturale du français Rodin ou du sénégalais Ousmane Saw, et qu'il lance ensuite en pâture, le corps quartier de viande à la Soutine, au regard de tous en les diffusant sur son site internet.
Une mise à mort sacrificielle qui se heurte au néant : personne ne décèle le cryptage mystique des clichés dont les postures sont celles inspirées par la peinture de dévotion du quattrocento telle qu'elle a été révolutionnée par le réalisme dramatique et troublant de Michel Ange et Le Caravage ni ne comprend le sens de bouteille lancée à la mer par un homme qui crève de solitude et de manque d'amour.
Le texte de Michael Stampe dont le titre au "X" symbolique, de l'anonymat au sexe en passant par l'addiction, laisse ouvert le champ des possibles, est d'une très grande intensité dramatique car loin d'être une simple narration littéraire il comporte une vraie dramaturgie. Et s'il aborde l'homosexualité, et ce au demeurant sans complaisance racoleuse ou apologique ni tentative d'explication psychanalytique, le sujet de fond est celui de la transcendance à travers le parcours d'un homme qui se trouve au bout du chemin, acculé au désespoir. A moins que la dernière photo, peut-être...
Avec un jeu juste et sensible, Jérôme Pradon incarne parfaitement, avec beaucoup d'acuité et de crédibilité, la chair à vif sous laquelle se dessinent les fêlures et les manques. |