Comédie dramatique d'après la nouvelle éponyme de de Arthur Schnitzler, mise en scène de Francine Walter, avec Sophie Bricaire, Pauline Gardes et Pauline Vaubaillon.
Nouvelle de l'auteur de "La Ronde", "Mademoiselle Else" est considéré comme l'un des textes les plus novateurs d'Arthur Schnitzler, puisqu'il est composé en grande partie par le tourbillon de réflexions que se fait le personnage principal en train de vivre le moment capital de sa courte vie.
Dans cette critique incisive d'une société autrichienne noyée dans les préjugés, engluée dans la violence des rapports de classe et de caste, sous fond de domination masculine, Schnitzler anticipe le fameux monologue de Molly Bloom dans "Ulysse" de James Joyce.
Francine Walter n'a donc pas choisi la facilité en multipliant par trois le dispositif imaginé par Schnitzler. En effet, ce sont trois "Mademoiselle Else" qu'elle met en scène pour le prix d'une.
À l'auto-réflexivité se substitue ainsi un dialogue permanent à trois, qui oblige les trois actrices jouant le personnage de Mademoiselle Else à des prouesses de synchronisation puisqu'elles jouent le même personnage, au même moment, devant se costumer de la même manière et agir de concert.
Le texte d'Arthur Schnitzler, s'il est respecté, perd peut-être, dans cette démultiplication, de son efficacité et de sa limpidité puisque les discussions entre ces trois en une dilue dans un papotage bien mené le terrible dilemme d'une jeune fille qui, pour sauver un père impécunieux, va devoir faire fi de sa bonne éducation.
Critique sociale féroce, "Mademoiselle Else" montre à une jeune fille pleine d'illusion et bien élevée tout ce qu'on ne lui avait pas appris, c'est-à dire que le sexe et l'argent guident le monde faisandé qui se cache derrière les apparences de l'Autriche post-empire des Habsbourg.
Dans son adaptation, Francine Walter a gommé tout cet arrière-plan social et politique, en considérant avant tout "Schnitzler comme un auteur féministe avant l'heure".
Elle donne donc à ses trois jeune actrices, Sophie Bricaire, Pauline Gardes et Pauline Vaubaillon, talentueuses et pleines d'allant, l'occasion de se mettre en avant dans une belle mécanique qui, une fois qu'elles en auront maîtrisé toute la complexité, justifiera sa lecture du texte de Schnitzler et permettra d'en comprendre toutes les subtilités.
Car, ce texte cruel demeure d'une grande modernité et le personnage de Mademoiselle Else appartient à la grande lignée des héroïnes dont l'injuste destin ne peut qu'émouvoir et révolter. |