Comédie de Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, mise en scène dans une mise en scène de Cathy Guillemin, avec Sarah Bouthier, Alexandra Causse, Johann Coste, Jules Lecointe, Hélène Phenix et Morad Tacherifet.
Au café "Le Père Tranquille", la famille Ménard se retrouve au complet avant d'aller fêter l'anniversaire de la belle-fille, Yolande, au restaurant étoilé "Le Comtes des Bretagne".
C'est Henri qui a pris la succession de son père à la tête du bar. Betty, la soeur, entretient une relation à l’insu de sa famille avec Denis, le garçon du bar. Philippe, le brillant cadet et mari de "Yoyo", est passé à la télévision pour présenter son entreprise, mais se pose des questions sur sa prestation. Quant à la femme d'Henri, Arlette, elle n'est toujours pas arrivée.
Le pièce écrite par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri au début des années 90 n'a pas pris une ride. Les sujets abordés, les rapports familiaux, l'émancipation féminine ou les rapports au sein de l'entreprise font toujours partie du quotidien et n'ont pas connu de grande révolution.
L'homme est un animal qui n'a d'autre ressource pour pallier à son déséquilibre que de se créer des normes afin de s'accorder à son milieu, c'est-à-dire trouver un équilibre dans son déséquilibre, et continuer à avancer même en boîtant. Pour trouver la valeur de sa vie, le plus simple est de se conforter à la norme commune, édictée ici par la figure maternelle.
Devant la difficulté de trouver la réponse en eux-mêmes, chacun des personnages la recherchait dans le regard des autres membres de la famille jusqu'à ce soir fatidique où les fissures apparaissent et les masques tombent.
Le texte est un petit bijou d'humour et d'écriture dont chacun des comédiens tire le meilleur. Morad Tacherif, dans le rôle d'Henry, Johann Coste dans celui de Denis et Jules Lecointe dans celui de Philippe incarnent des figures de la virilité qui chacune se craquelle. On regrette simplement que Morad Tacherif ne s'affranchisse pas un peu plus du personnage créé par Bacri, bien que la difficulté soit évidente.
Alexandra Causse porte avec brio le rôle écrasant de cette mère dont les sentiments maternels se sont reportés sur ses compagnons à quatre pattes successifs. Sarah Bouthier incarne le personnage le plus naïf mais aussi le plus honnête, Yolande. Sa gestuelle, son maintien et sa voix posée nous rendent sensible à l'expression des prémices de sa volonté d'émancipation.
Enfin Hélène Phénix, avec un faux air de Zooey Deschanel, est une Betty toute en nuances, fragile sous une assurance affichée.
La mise en scène minutieuse de Cathy Guillemain, dans un décor de bistro qui sied à la cave voûtée dans laquelle est présentée la pièce, veille à laisser du temps aux comédiens. Point de rythme frénétique, la pièce traite d'une prise de conscience progressive. Cathy Guillemain donne tantôt à voir le vulnérabilité, la force ou le doute des différents protagonistes grâce à une excellente direction d'acteurs.
L'homogénéité qui émane de la troupe rend le texte vivant et l'ensemble très agréable. "Un air de famille" est bel et bien devenu un classique du théâtre actuel que la troupe de L'Heur du T s'approprie avec aisance et naturel. |