Joli pied de nez de l'Histoire : alors qu'à la fin du 19ème siècle le Musée du Luxembourg, dédié aux artistes vivants, ignorait les peintres impressionnistes, le lieu accueille l'exposition consacrée au marchand d'art qui les a soutenu.
Organisée par la Réunion des Musées Nationaux--Grand Palais en collaboration avec le Musée d’Orsay, la National Gallery de Londres et le Philadelphia Museum of Art, l'exposition "Paul Durand-Ruel - Le pari de l'impressionnisme" s'inscrit dans le mouvement muséal qui s'attache au rôle majeur des collectionneurs privés et des marchands d'art dans la la reconnaissance des artistes, la circulation des oeuvres et l'histoire du goût.
Un florilège de 80 toiles dont de nombreuses détenues à l'étranger et dans des collections particulières a été constitué pour témoigner de celui de Paul Durand-Ruel considéré comme le fondateur du marché de l’art moderne. Le commissariat est assuré par Sylvie Patry, conservateur en chef au musée d’Orsay, Anne Robbins et Christopher Riopelle, conservateurs à la National Gallery de Londres, Jennifer A. Thompson et Joseph J. Rishel, conservateurs au Philadelphia Museum of Art, avec l'aide des Archives Durand-Ruel, qui ont opté pour un parcours chronologique retraçant la carrière de Paul Durand-Ruel.
Paul Durand-Ruel et les impressionnistes : un combat artistique
Admirateur de Delacroix et de Courbet, spécialiste des peintres paysagistes de l'Ecole de Barbizon que sont Corot, Théodore Rousseau et Millet, Paul Durand-Ruel, qualifié qualifié d'"oseur impénitent" par l'écrivain et critique d'art Octave Mirbeau, va s'enflammer pour les impressionnistes.
Audacieux il acquiert des toiles de Manet en 1872, dont les sombres "Clair de Lune sur le port de Boulogne" et "Combat du Kearsarge et de l'Alabam", rencontre Monet et Pissaro à Londres, puis Sisley, Renoir et Degas à Paris. La machine est lancée.
Son goût est affirmé : ainsi en 1882 il va commander à Renoir, sans doute son favori, le portrait de ses enfants et constituer sa propre collection impressionniste dont il orne son appartement parisien.
Un appartement qu'il aménage en show-room pour inciter les amis et visiteurs au coup de coeur à la vue d'un accrochage in situ. Car s'il est passionné par cette peinture nouvelle très controversée, il ne perd pas de vue les impératifs économiques liés à son activité.
L'évocation de cet appartement dont les portes étaient décorées de panneaux peints peints par Monet sur le thème des fruits et des fleurs ouvre l'exposition qui est scandée par les grands évènements organisés par le marchand d'art pour promouvoir l'impressionnisme.
Son action repose sur une stratégie d'investissement à long terme, qui s'avèrera un pari gagnant, consiste, d'une part, à s'assurer d'une situation de monopole par l'achat massif des oeuvres impressionnistes, et, d'autre part, à créer un véritable réseau de galeries associées en parallèle avec la présentation des oeuvres dans des expositions dédiées, tant en France qu'à l'étranger, pour imposer les impressionnistes comme les figures de l'avant-garde.
C'est l'occasion pour le visiteur d'entrer dans l'oeuvre de Monet avec ses expositions monographiques de 1883 et 1892 et des toiles de la série des peupliers ("Effet de vent", "Les peupliers au bord de l'Epte", "Les Trois arbres") et une inattendue nature morte ("Les galettes").
Renoir est l'autre peintre-phare de cette monstration et ses toiles qui rayonnement de vie, de sensualité, de luminosité et de couleurs, telles "La tasse de thé", "Sur la terrasse", "La jeune fille au chat", tendent à éclipser les oeuvres de ses homologues.
Ce sont d'ailleurs ses trois danses ("Danse à la campagne", "Danse à la ville" et "Danse à Bougival") qui la clôture.
Ne pas rater entre autres pépites, "La femme à la vague" de Courbet, une présentation en trityque de Sisley "L'île Saint Denis"), Pissaro ("Entrée de village") et Monet ("Bateaux de plaisance"), "La musique aux Tuileries" de Manet
et l'étonnante "Mademoiselle Lala au cirque Fernando" de Degas.
Paul Durand-Ruel s'est concentré sur le mouvement impressionniste laissant le champ libre à un autre galeriste, Ambroise Vollard. Mais ceci est une autre histoire que le Musée d'Orsay a évoqué en 2007 avec l'exposition "De Cézanne à Picasso, chefs d'oeuvre de la galerie Vollard"
A noter un catalogue qui retrace de manière exhaustive la carrière de Paul Durand-Ruel et que l'exposition sera visble jusqu'en septembre 2015 avec ses escales londonienne et américaine. |