Film de Claude Miller avec Ludivine Sagnier, Robinson Stévenin, Nicole Garcia et Bernard Giraudeau>
A première vue, "La petite Lili" est un film sur le cinéma,
un film sur l’histoire d’un film, tiré d’une histoire
vraie. Mais le film de Claude Miller va bien au-delà de cela.
En adaptant librement "La Mouette" d’Anton Tchekhov, le réalisateur,
sous prétexte d’une étude du monde du cinéma, nous
plonge au cœur d’une histoire complexe, centrée sur un groupe
de personnes, à huis clos, dans une belle propriété de
l’île aux Moines en Bretagne. Il analyse très finement
les relations entre tous ces personnages, souvent plus tragiques que comiques.
Lili, incarnée par Ludivine Sagnier, a une vingtaine d’années,
est belle, respire la fraîcheur et la spontanéité de la
jeunesse, et fréquente un jeune homme, Robinson Stévenin (Julien),
apprenti réalisateur, plongé dans l’univers du cinéma
de par sa mère, Nicole Garcia (Mado) actrice, et son beau-père,
Bernard Giraudeau (Brice), réalisateur. L’atmosphère est
lourde, les relations entre le fils et sa mère conflictuelles, et Lili
va faire éclater la petite famille et exploser cet orage latent, en
séduisant Brice, de trente ans son aîné, et compagnon
de Mado.
Cette première partie du film relève de la quasi-perfection,
tant l’intensité dramatique n’enlève rien à
l’étude fine de la psychologie des personnages, et aux dialogues
percutants, notamment les inénarrables rouspétances de Jean-Pierre
Marielle, dont les cyniques réflexions ponctuent le film et lui apportent,
même si ces instants sont courts, disséminés et n’empêchent
pas le drame de se nouer, une véritable dimension comique. Les seconds
rôles sont de plus excellents, spécialement Julie Depardieu qui,
comme à son habitude, joue le rôle d’une fille perdue et
dépressive.
Le film se découpe en deux actes, le second se déroulant cinq
ans plus tard. Lili est devenue une actrice célèbre, Julien
un réalisateur en voie de le devenir, et tout ce petit monde va se
retrouver, dans le cadre du tournage d’un film, réalisé
par Julien, l’enfant prodige. C’est à partir de ce moment-là
que le film déçoit et perd de son rythme et de sa cohérence,
et c’est bien dommage.
Mais l’on ne saurait tenir rigueur à Claude Miller de ces quelques
lourdeurs et égarements finaux. Car il s'agit d'un film fort sur l’amour
absolu, la douleur, l’incompréhension entre les êtres,
la trahison, l’incapacité à communiquer, et l’on
ne peut qu’applaudir des deux mains et saluer la finesse du scénario,
la pertinence de l’angle d’analyse et le magnifique jeu des acteurs,
qui portent véritablement le film, et qui, dans la tragédie,
sont criants de vérité.
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