Que de voyages avec les éditions Buchet-Chastel qui n’hésitent pas à nous embarquer vers des contrées littéraires originales pour des ouvrages toujours de qualité ! Ici, c’est autour d’un auteur totalement inconnu que je me suis lancé, un certain Pajtim Statovci et son ouvrage La Traversée, dont la couverture intrigante m’a donné envie de le lire.

Pajtim Statovci est né au Kosovo. Sa famille émigre en Finlande deux ans plus tard. Professeur de littérature comparée à l’université d’Helsinki, il a déjà écrit trois romans mais La Traversée est son second publié en France.

Cet ouvrage qui vient donc tout juste de sortir nous emmène en Albanie autour de Bujar qui a grandi dans ce pays parmi les ruines du régime communiste et celles de sa propre famille. Bujar a un ami, Agim, un personnage intrépide qui se débat avec son identité et sa sexualité. Bujar va perdre son père et Agim va voir le sien découvrir que son fils est attiré par les vêtements de sa femme et ses bijoux qu’il a pris tendance à porter.

Ensemble, ils décident alors de tout abandonner pour tenter leur chance en Italie. Mais se sentir chez soi, dans un pays étranger comme dans son propre corps, représente un défi sans cesse renouvelé qui mènera les deux amis dans une quête périlleuse.

Car il faut dire que l’Albanie que nous décrit l’auteur dans le livre ne donne pas forcement envie d’y vivre et encore moins d’y rester. L’Albanie n’a jamais fait rêver personne mais là Tirana, sa capitale, ville sale et poisseuse, particulièrement pauvre en est une vitrine repoussante.

L’originalité de l’ouvrage tient surtout dans le caractère assez déroutant qu’il procure au lecteur notamment avec le début de l’ouvrage qui s’ouvre sur l’évocation de la mort avec un premier chapitre qui nous fait découvrir un personnage qui réfléchit à sa propre mort. Un personnage qui a quitté son pays pour se retrouver à Rome, dans une situation désespérée qui va le pousser au suicide.

On va alors comprendre comment en arriver là et le livre va nous montrer la difficulté qui existe quand on veut repartir de zéro, se confronter à un nouveau pays, une nouvelle langue ou une nouvelle culture. L’image ou l’idée que certains peuvent avoir d’une meilleure vie à l’ouest de l’Europe est remis en cause dans l’ouvrage du moins pour les personnages du livre.

Se pose aussi la question du genre dans l’ouvrage puisque le personnage principal de l’ouvrage se pose tantôt en femme et en tantôt en homme, s’en servant un peu comme un moyen d’intégration dans un pays qui possède des a priori négatifs sur les Albanais.

L’ouvrage est enfin aussi un livre sur l’amitié, celle entre Bujar et Agim, une amitié tragique qui démarre au début de façon très forte et qui se transforme rapidement chez Agim vers des sentiments amoureux. Un sentiment amoureux qui n’est pas réciproque et un Agim qu’une ellipse va faire disparaître laissant Bujar vivre sa vie un peu par procuration. Ce long voyage que nous propose l’auteur est aussi une odyssée intérieure et une quête d’identité poignante. Un roman d’actualité aussi, sur l’identité et l’étrangeté à soi et aux autres.

Ouvrage assez surprenant, dans le bon sens du terme, La Traversée m’aura fait découvrir un nouvel auteur, une nouvelle culture autour du folklore albanais. Un nom à retenir maintenant, Pajtim Statovci.