Textes de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Jean-Charles Mouveaux avec Bertrand Degrémont, Adrien Melin et Jean-Charles Mouveaux.
Dans le cadre de l'Année Lagarce, la Compagnie l'Equipe de Nuit propose un montage, novation en la forme, de larges extraits de "Trois récits" de Jean-Luc Lagarce, "Le bain", "Le voyage à la Haye", et "L'apprentissage" délivrés par trois officiants, respectivement Jean-Charles Mouveaux, Adrien Melin et Bertrand Degrémont.
Trois visages, trois voix, trois sensibilités, pour une diffraction de l'auteur, présent dans trois espaces temps, ultime pied de nez à la camarde, autour des thèmes récurrents de Lagarce, la vie, la mort, la solitude, le détachement, qui nourrissent cette chronique d'une mort annoncée.
Dans ce triptyque compassionnel, les moments de rencontre et de partage avec l'autre, voire les autres, ne constituent que de petits ilôts lumineux ou dérisoires dans un océan de solitude, condition inhérente à la nature même de l'homme. Solitude existentielle, recherchée ou contingente.
Et puis il y a cet apprivoisement, non de la mort par l'homme, mais de l'homme par la mort qui, pour qui sait faire preuve de lucidité et d'un certain détachement, prend mille et un visages pour s'installer à votre chevet, se nicher au creux d'une clavicule, ou dans le regard des autres. L'homme malade, soi ou l'autre qu'on aime.
L'écriture de Jean-Luc Lagarce est d'un dépouillement et d'une évidence totales. Il dit les choses les plus douloureuses avec cette gravité légère et cette douceur implacable qui jamais n'appelle l'apitoiement. On sourit, on rit presque parfois tant sa plume n'est jamais mortifère. Sa compréhension de l'apprentissage de la vie, réduite à une corporéité, au demeurant réduite à un corps décharné, et de la mort est transmise sans fard, avec lucidité. La découverte d'un état nouveau fascinant comme si l'âme s'était déjà détachée du corps et le regardait évoluer dans ses derniers feux avec étonnement et aménité.
Dans une mise en scène kaléidoscopique, les corps se croisent, se dupliquent, se frôlent, trois états du moi coexistent et s'adressent au public, dans une belle harmonie, celle de trois vrais comédiens, pour un extraordinaire récit à trois voix, celui d'un homme.
Et quand il peut enfin sortir de nouveau à l'air libre, autorisé à faire une excursion hors de l'enceinte de l'hôpital, il achètera des cerises et reviendra dans sa chambre pour les déguster.
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