Conformément à sa vocation dédiée aux impressionnismes, le Musée des Impressionnismes de Giverny consacre l'année 2014 à l'impressionnisme "hors les murs" avec deux expositions qui donnent la mesure du rayonnement de l'impressionnisme hors de l'hexagone originel.
Avant l'attendue exposition "Bruxelles, une capitale impressionniste", il propose de jeter un regard outre-Atlantique avec "L'Impressionnisme et les Américains".
L'exposition initiée par la Terra Foundation for American Art sous le commissariat de sa conservatrice Katherine Bourguignon, et en collaboration avec les National Galleries of Scotland et le Museo Thyssen-Bornemisza de Madrid, propose un panorama en 80 toiles et 13 peintres* de l'impressionnisme américain entre 1880 et 1900.
L'impressionnisme à l'américaine
Ponctuée de tableaux de Claude Monet, Camille Pissarro et Edgar Degas, l'exposition fait la part belle à deux figures majeures : les deux expatriés que furent Mary Cassatt peintre amie des deux derniers, collectionneuse et promoteur de l’impressionnisme français auprès des collectionneurs américains et John Singer Sargent ami de Monet.
Ainsi, c'est le portrait de la belle Lady Lady Agnew of Lochnaw de Sargent qui accueille le visiteur qui, dès la première salle, retrouve les
"maternités" de Mary Cassatt qui, dans ses portraits de mère et d'enfants, excelle à restituer la tendresse
de l'amour maternel.
Si le parcours de l'exposition s'avère chronologique pour embrasser l'oeuvre des peintres américains imprégnée de l'impressionnisme découvert in situ, notamment au sein de la colonie d'artistes installée à Giverny et ses environs, le choix des toiles illustre avec sagacité les trois spécificités qui s'y attachent.
D'une part, comme son aîné français, l'impressionnisme américain n'est pas une école dogmatique mais un mouvement qui regroupe des sensibilités et des approches différentes des paysages champêtres à la touche vive de Theodore Robinson et le paysage lunaire à la touche atmosphérique de Thomas Wilmer Dewing.
D'autre part, l'impressionnisme s'est émancipé de la tutelle fraternelle en procédant à un syncrétisme entre le
réalisme coloré de Monet est largement tempérée par la monochromie éthérée de Whistler.
Enfin, par le choix de ses thématiques, l'impressionnisme américain est une peinture sociale d'un "american way of life" du 19ème siècle post-guerre de Sécession qui exalte la douceur de vivre de la bourgeoisie aisée qui n'est affectée ni par la misère plébéienne, ni par la ségrégation raciale.
Ainsi ils substituent l'idéalisation de la nature à la transcription de la réalité en s'éloignant du paysage pour privilégier l'univers clos du jardin, symbole de la vie artistique et d'un certain art de vivre, propice aux portraits de famille et du "cercle des intimes" (Edmund C. Tarbell "Trois soeurs", "Au verger").
Et le thème de prédilection tient à l'exaltation d'une figure de femme qui serait typiquement américaine, une femme "transatlantique" idéalisée, gracieuse, alanguie, presque mélancolique et "décorative", vêtue de couleurs claires dans son salon ou qui rayonne en villégiature balnéaire sous le pinceau de Franck Benson et le soleil du plein été ("Lumière du soleil") et qu'il a sans doute peinte sous les traits de la jeune "Eleanor" dont le portrait a été retenu comme visuel pour l'affiche de l'exposition.
A admirer donc sans modération au cours d'une escapade normande. |