Tragédie d'après l'oeuvre éponyme de Victor Hugo, mise en scène de Mathilde Lecarpentier, avec Gwendoline Gauthier, Mathilde Lecarpentier et Melissa Silveira.

Trois actrices pour camper, dans une partition resserrée, les principaux protagonistes de "Marie Tudor" écrit par Victor Hugo, avec pour coeur de cible l'amour dans ses différents états, tel est le challenge de la Compagnie Gringore et ses fondatrices Gwendoline Gauthier, Mathilde Lecarpentier et Melissa Silveira.

Défi brillamment relevé car, ne sacrifiant pas à la prosternation respectueuse devant les boursouflures hugoliennes de ce mélodrame ampoulé, elles le traitent selon une théâtralisation contemporaine qui, simultanément, tempère son lyrisme romantique et accentue sa démesure en hystérisant jusqu'à la démence son personnage-titre.

Ordonné autour de l'imbrication de deux intrigues sentimentales, cet opus décline, au féminin, la thématique classique du conflit racinien entre le devoir et la passion et celle de l'amour vrai capable du sacrifice de soi pour l'être aimé plus cher que sa propre vie.

En effet, le vil séducteur Fabiano Fabiani met à l'épreuve l'amour qui unit un brave plébéien et sa pupille et les propulse dans la spirale vengeresse de la Reine dont il est l'amant.

Femme trompée et reine outragée, publiquement bafouée et confrontée tant à l'orgueil qu'à la nécessité politique du châtiment du coupable, consumée par une passion dévastatrice et une jalousie furieuse tout en ne pouvant se résoudre à perdre son "beau page", Marie Tudor se présente, selon une terminologie contemporaine, comme une personnalité borderline en état-limite de dissociation.

A la mise en scène, Mathilde Lecarpentier a opté pour la disposition bi-frontale qui permet une fluidité tant des déplacements que des dégagements permettant d'opérer presque hors-vue les changements de rôle, chacun matérialisé par une simple pièce de costume.

Egalement au jeu, et sans travestissement de la voix, elle interprète avec la même pertience la douce ingénue que le machiavélique émissaire du futur époux de la Reine tout comme Melissa Silveira notamment dans le rôle de Fabiani.

Et une seule interprète pour la reine. Flamboyante rousse tout de rouge vêtue et à la présence magnétique, Gwendoline Gauthier incarne la vieillissante et malade "Bloody Mary" qui crache son sang non pas par quintes discrètes dans un mouchoir brodé mais le vomissant à gorge déployée.

Elle impulse à cette hallucinante figure janusienne qui emprunte aux codes du Grand Guignol, éructuante de rage comme de doucereuse perfidie, une superbe outrance organique et une stupéfiante dimension tragique.

Une roborative proposition et un excellent travail à inscrire au crédit de ces comédiennes talentueuses et inspirées.